Les avantages et vertus du jardinage sont connus depuis longtemps, mais plus que jamais, mettre ses mains à la terre et en récolter les fruits, légumes et autres petits trésors fait du bien.

Le moment est venu de savourer (littéralement) les fruits de ses efforts au potager. Et avec lui vient le temps de cueillir ses semences pour la prochaine saison !

L’autoproduction de semences permet de s’assurer qu’on aura encore accès aux variétés de fruits et légumes qu’on a préférées cet été et qu’elles seront de qualité, puisqu’on ne récolte que les semences des plantes les plus vigoureuses et les mieux adaptées aux conditions de son propre potager.

C’est aussi, de toute évidence, une façon économique de jardiner : un seul plant peut produire des dizaines, voire des centaines de semences qui généreront autant de plants. Sur le plan écologique, ajoute le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) sur son site internet, cela permet de contribuer à la biodiversité et à la conservation des cultures peu utilisées en agriculture commerciale.

La récolte et la conservation

Le procédé est relativement simple. On prélève les semences des fleurs et des fruits qui présentent les plus belles caractéristiques (taille, saveur, couleur, forme) sur les plants les plus sains et les mieux adaptés.

La maturité des semences varie d’une plante à l’autre. Elle survient au moment où le fruit est prêt à être consommé, comme c’est le cas pour la tomate, la courge d’hiver ou le poivron. La plupart des fruits et légumes doivent cependant continuer à mûrir sur le plant ou sur le comptoir. Les semences de haricots, par exemple, sont récoltées quand la gousse est bien sèche, celles de la laitue montée en graines, lorsqu’un duvet blanc apparaît au sommet de ses plumets, les concombres, alors qu’ils tournent à l’orangé et les courgettes, quand elles deviennent grosses et coriaces, et donc non comestibles.

Il suffit ensuite de rincer les graines humides, de sécher les semences et de les entreposer dans un endroit sec à l’abri de la lumière, en prenant soin de bien les identifier. Elles se conservent alors entre deux et cinq ans, parfois plus.

Oui, mais…

Intéressant ? Fascinant, répond le semencier Yves Gagnon, qui est l’un des pionniers de la production de semences artisanales au Québec. Il faut toutefois être réaliste, prévient le fondateur des Jardins du Grand-Portage de Saint-Didace, dans Lanaudière, qu’il a créés avec sa conjointe, Diane Mackay, en 1980.

Récolter ses semences ne donne pas toujours des résultats probants. Celles récoltées à même une plante issue d’une hybridation, et donc d’un croisement, peuvent donner lieu à quelques surprises, pour ne pas dire des déceptions. « Chez les hybrides, les caractères ne sont pas fixés. On ne sait donc pas ce que les semences portent dans leur ADN et quels caractères finiront par se développer dans la génération suivante », explique Yves Gagnon.

Un autre facteur à considérer est que lorsque deux plantes de la même famille sont situées dans un rayon plus ou moins grand, selon l’espèce, il est probable que leur pollen soit transporté de l’une à l’autre par les pollinisateurs ou le vent. On peut alors assister à d’étonnants croisements. Prenons l’exemple de la courgette et de la citrouille : toutes deux font partie de la famille cucurbita pepo, ce qui les rend compatibles sur le plan génétique, mais pas nécessairement dans l’assiette.

Pour éviter d’engendrer une descendance inopinée, il ne suffit pas de s’en tenir à une seule variété de plants par famille dans son potager. Certaines plantes peuvent être pollinisées sur une distance allant jusqu’à 4 km, comme c’est le cas pour le maïs.

PHOTO FOURNIE PAR LES JARDINS DU GRAND-PORTAGE

Le semencier et auteur Yves Gagnon, des Jardins du Grand-Portage, qui produit 80 variétés de semences

Si votre voisine fait pousser des piments jalapenos et vous, des poivrons, il est probable que sur 100 graines récoltées, certaines donnent des poivrons hybrides au goût épicé.

Yves Gagnon, semencier et auteur

« Un mariage étrange peut également avoir lieu si vous avez des poivrons de deux cultivars différents dans votre potager », donne encore en exemple le semencier, aussi auteur de livres d’horticulture, dont La culture écologique des plantes légumières.

Que faire, alors ?

À moins d’avoir tout simplement envie de s’en remettre au hasard — ce qui n’est pas dénué d’intérêt, mais n’offre aucune garantie sur le produit —, il faut s’assurer de maintenir la distanciation recommandée entre les plants de même famille pour protéger le cultivar qui nous intéresse. Elle est notamment de 10 m dans le cas des haricots, pois et laitue, de 5 m pour les tomates, de 200 m pour les poivrons, de 1 km pour les courges, concombres et courgettes.

Il faut par ailleurs entreprendre le processus du bon pied en récoltant à même des cultivars à pollinisation libre (qui ne sont pas issus d’un croisement ou hybridation). Chez les semenciers, les semences hybridées sont normalement identifiées par « H » ou « F1 » (hybride de première génération). En jardinerie, ce genre d’information est toutefois plus difficile à obtenir.

Depuis 20 ans, au Québec, l’intérêt pour les semences artisanales grandit. De plus en plus de semenciers offrent des produits de qualité et consignent avec soin les informations sur chacun. Les fêtes des semences, qui ont lieu entre février et avril, sont d’autres occasions de se procurer des semences à pollinisation libre. « Une toute petite semence contient toute l’information sur la plante qu’elle deviendra, rappelle Yves Gagnon, d’où l’importance de bien la choisir. »

jardinsdugrandportage.com

semences.ca

Pour faire ses débuts comme semencier amateur

« Parfaite » tomate

PHOTO FOURNIE PAR LES JARDINS DU GRAND-PORTAGE

La fleur de tomate, hermaphrodite et autoféconde

Sa fleur est dite parfaite parce qu’elle est à la fois hermaphrodite et autoféconde. Le pollen d’une fleur peut féconder ses propres « ovules ». Par ailleurs, les pollinisateurs n’ont que peu d’intérêt pour la fleur de tomate. On récolte la tomate juste avant sa pleine maturité, quand elle est à 80 % de sa coloration, conseille Yves Gagnon, puis on la laisse mûrir sur le comptoir pendant une semaine. On récolte ensuite ses graines à la cuillère. Comme elles sont entourées d’un liquide gélatineux qui les empêche de germer dans le fruit, on les conserve dans un pot de verre pendant trois jours pour neutraliser les enzymes inhibiteurs de germination, avant de les rincer et de les sécher.

Haricot et pois

PHOTO FOURNIE PAR LES JARDINS DU GRAND-PORTAGE

Pois Oregon Sugar Pod

Tous deux ont besoin d’une faible distanciation (10 m). Par ailleurs, si deux plants de haricots se côtoient — un jaune et un mauve, par exemple —, les conséquences sont moins importantes. Un haricot zébré ? Pourquoi pas ! On laisse mûrir leurs cosses jusqu’à ce qu’elles commencent à sécher. On récolte alors les bouquets qu’on suspend jusqu’à séchage complet. Il ne reste plus qu’à en extraire les graines.

La laitue

PHOTO PIERRE GINGRAS, COLLABORATION SPÉCIALE

Laitue montée en graines

« Sur 10 m, quelle est la chance qu’un autre voisin laisse monter ses laitues en graines pour récolter ses semences ? » demande Yves Gagnon. Les risques de croisement de la laitue sont faibles. Ses graines peuvent être extraites de leur capsule par friction.

L’oignon

PHOTO FOURNIE PAR LES JARDINS DU GRAND-PORTAGE

Ombelle d’oignon

Comme toutes les plantes bisannuelles (carotte, persil, panais, betterave, salsifis…), il produit des semences une année sur deux. En février, choisissez un oignon de la récolte précédente, encore ferme et sans germination. Déposez-le dans un sac de papier au réfrigérateur pour le stabiliser jusqu’au moment de le planter en terre. Il fera alors de grandes ombelles contenant une centaine de petites fleurs et autant de capsules qui donneront chacune trois graines noires.

> Consultez le site web des Jardins du Grand-Portage

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