Claude Girard a minutieusement parcouru les Cantons-de-l’Est, en 1976, avant de trouver exactement ce qu’il cherchait : une maison au cœur d’un immense espace ouvert, avec une vue extraordinaire sur la nature et les environs. Près de 45 ans plus tard, le terrain de 130 acres porte sa marque et celle de son conjoint, Maurice Ferland.
« J’ai toujours pensé qu’on peut découvrir les gens à travers leur jardin, indique Maurice Ferland, qui a quitté Montréal il y a 24 ans pour s’installer à temps plein à Abercorn, non loin de Sutton. Nous sommes deux créateurs. Notre jardin est un mélange de deux créativités. »
Il parle de formes et d’angles, beaucoup plus que de fleurs. « On a travaillé beaucoup avec la nature et ce qui pousse naturellement », précise celui qui a longtemps été designer de mode avant de se tourner vers la cuisine et la sculpture. Il exprime sa créativité en tout temps, même lorsqu’il tond la pelouse. Il s’organise pour que ce soit beau !
Claude Girard a notamment travaillé pour l’Opéra de Montréal en tant que scénographe. D’abord pendant les week-ends, il s’est relevé les manches pour établir la base d’un très grand jardin, en conservant l’espace ouvert. Pendant 15 ans, il a drainé le terrain. Il a fait creuser un premier étang, alimenté par une source naturelle. Deux autres se sont ajoutés sur deux niveaux plus bas, cascadant l’un dans l’autre. Le troisième, le plus grand, est celui dans lequel le couple se baigne.
Chacun a ses endroits préférés. Claude Girard, qui s’occupe des plates-bandes et de l’entretien des sentiers dans la forêt, aime y faire de grandes marches avec leur chien, West. Maurice Ferland, qui a 13 ans de moins et s’occupe de la tonte du gazon et de la taille des arbres, affectionne particulièrement un coin ombragé près de la maison, où les pommiers rappellent des oliviers. « On se croirait en Italie, en Toscane », dit-il.
Au fil des ans, ils ont créé différentes zones, en faisant attention à ce qu’il y ait une unité. « Tout est intégré, précise Maurice Ferland. C’est grand. Les jardins débordent les uns dans les autres. Comme les étangs.
On est plus calmes maintenant. On épure et on enlève, plus qu’on ajoute. On est au maximum de ce qu’on peut entretenir. Tout est mature. On en jouit davantage. La grosse job est faite !
Maurice Ferland
Né à Lac-Mégantic, il a réalisé il y a longtemps qu’il n’était pas un citadin. Il s’est plus ennuyé quand il habitait à Montréal qu’à la campagne, révèle-t-il. Il faut dire que l’entretien du terrain ne lui laisse pas beaucoup de temps. « Il y a des bancs et des chaises à plusieurs endroits, mais on ne s’assoit pas beaucoup », souligne-t-il en riant.
Le lieu lui permet de laisser libre cours à sa créativité. Il aime expérimenter. Le béton retient actuellement son attention. À un autre moment, il réalisait plutôt des sculptures de métal. Plusieurs de ses œuvres sont visibles sur le terrain, tout comme celles de son conjoint. Ils ont chacun leur propre style et travaillent différemment des matières qui ne sont pas les mêmes. Les œuvres de Claude Girard sont en bois sculpté, tandis que celles de Maurice Ferland sont des assemblages de pièces de métal récupéré ou de vieilles poutres provenant du plafond de l’ancien magasin général de Philipsburg, faisant maintenant partie de Saint-Armand, achetées lorsqu’elles ont été mises en vente.
« Je suis un grand bisouneux, précise M. Ferland. Il faut que je travaille de mes mains. Je dois bouger la matière pour qu’elle prenne forme. Au fil du temps, la matière a varié, que ce soit le tissu lorsque j’étais en mode, les aliments quand j’ai eu un atelier de cuisine, le métal et maintenant le béton. Je fais encore des bijoux, vendus à Sutton. »
Il faut ajouter les arbres à sa liste de matériaux privilégiés, puisqu’il maîtrise les techniques de taille des racines et des feuilles des bonsaïs, ainsi que des branches.
Les grands travaux derrière eux, les deux complices profitent de la vue sur le mont Sutton et sur leurs étangs. L’hiver, ils aperçoivent même le mont Jay Peak.
« On a un grand champ, précise M. Ferland. Quand on sort de la forêt, c’est comme dans La mélodie du bonheur ! »
Ils ressentent un grand bien-être. Ils récoltent ce qu’ils ont semé.