Il fallait une foi inébranlable pour passer de la culture des légumes à celle des saules, pour finir par en faire des murs et des clôtures. Francis Allard l'a eue, cette vision. Son associé Olivier Payette et lui ont trimé dur et récoltent maintenant les fruits de leur labeur.

Leur entreprise, Les Écrans Verts, a le vent en poupe. Elle a même séduit les « dragons », au printemps dernier. Le dragon Serge Beauchemin a décidé d'investir, tandis qu'un autre, Gilbert Rozon, fondateur du festival Juste pour rire, a offert une vitrine aux deux jeunes entrepreneurs.

Quand nous les avons rencontrés, la veille de l'ouverture du festival Juste pour rire, Francis et Olivier s'affairaient, avec leur équipe, à installer une grande arche « vivante » sur le site. Faite de branches de saule, cette « arche cathédrale de 20 pi de haut » allait se transformer au gré des jours en tonnelle ombragée. Les feuilles vertes qui émergeaient de partout sur les tiges de bois ne demandaient qu'à pousser !

« On a fait quelque chose de flyé pour attirer l'oeil. On a fait une pergola aussi, une version sans écorce. Mais notre produit fort, c'est les panneaux de clôture. On en a fourni 500 pi pour cacher l'arrière des camions de cuisine de rue pour le Festival. C'est fait avec la même tige de saule », explique Olivier Payette.

Ce concept d'utilisation du saule émane du Danemark.

« On a importé le concept ici. On fabrique sous licence, mais c'est sûr qu'on a mis notre petit grain de sel pour l'adapter au climat nord-américain », poursuit Olivier.

À CHACUN SON SAULE

Malléable et résistant, le saule arbustif a plusieurs autres propriétés intéressantes, dont celles de bouturer facilement et de pousser vite. « Quand on le coupe, il repousse tout seul. Notre matière première est inépuisable et renouvelable », signale Francis.

Pour les clôtures, les tiges de saule vêtues de leur écorce sont entrelacées entre des tubes horizontaux en acier galvanisé. Les panneaux sont installés entre des poteaux de bois. « On prend des essences très résistantes, comme le chêne blanc et le robinier », précise Francis. Les panneaux viennent d'emblée avec des plantes grimpantes, souvent de la vigne, qui viendront recouvrir toute la structure. Les deux entrepreneurs estiment que ça protège tout en donnant un look intéressant.

LE SAULE DANS LE SOL

Il est aussi possible de faire un écran de saule, appelé clôture Arlequin, en plantant directement des tiges de saule dans le sol et en leur donnant la direction voulue pour qu'elles s'entrecroisent. C'est le principe que les deux associés ont utilisé pour faire la grande arche. Les longues tiges qui la composent avaient été coupées et conservées tout l'hiver dans un frigo. Un mois avant le début du Festival, elles ont été plantées dans des boîtes de bois remplies de terre. Elles y ont développé leurs racines. Les boîtes, et leur contenu, ont été transportées par camion sur le site du Festival, et agencées sur place.

Les Écrans Verts fabriquent également des murs antibruit pour les municipalités. Le principe consiste à insérer de la laine de roche entre deux panneaux de clôture de saule, sur lesquels on fait ensuite pousser de la verdure. C'est beau et écologique. Ils en ont installé à Boisbriand, Boucherville, Québec... On peut en voir un de 300 m de long sur 9 m de haut sur l'autoroute 15, en direction nord, entre les boulevards de la Côte-Vertu et Henri-Bourassa.

LA PETITE HISTOIRE

Quand Francis a entrepris de faire pousser des saules sur la terre de son père, à Saint-Roch-de-l'Achigan, en 2006, il avait dans l'idée d'en faire de la bioénergie. Mais le prix du baril de pétrole a chuté, et le projet ne s'est pas concrétisé. Lors d'un voyage, il a découvert le principe des clôtures et murs antibruit en saule et a été séduit. Aujourd'hui, 2 millions de saules mères se balancent au gré du vent à Saint-Roch-de-l'Achigan, en attendant d'être transformés en clôtures, écrans, palissades, murs antibruit, et même en copeaux. « Il n'y a rien de comparable dans le paysage agricole », lance fièrement Francis Allard.

COMBIEN ÇA COÛTE ?

Le coût de ce type de clôture est d'environ de 60 à 70 $ le pied linéaire. Francis Allard signale que celles-ci sont en promotion jusqu'au 15 août à 25 % de rabais.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Olivier Payette et Francis Allard posent devant l'arche vivante qu'ils ont installée sur le site du festival Juste pour rire.

PHOTO FOURNIE PAR LES ÉCRANS VERTS

Pour les clôtures, les tiges de saule vêtues de leur écorce sont entrelacées entre des tubes horizontaux en acier galvanisé.