Fleurir un balcon, c'est s'offrir un jardin en miniature et la nature comme voisine immédiate. En banlieue comme en pleine ville, sur le balcon le plus minuscule comme sur la plus généreuse terrasse, des proprios ou des locataires se font plaisir en s'entourant de beauté, de couleurs et d'odeurs. Et ce faisant, ils font plaisir à ceux qui les entourent et qui en profitent aussi.

Pour les habitants du Québec, c'est aussi une façon toute spéciale de célébrer l'été qui a toujours trop tardé et de repousser l'hiver qui viendra bien assez vite. La Presse vous présente aujourd'hui quelques jardiniers particulièrement inspirés qui ont su se créer un aménagement unique et qui constituent nos lauréats 2009. Ils vous donneront sans doute envie de vous y mettre aussi. Alors si ce n'est déjà fait, sortez donc pots et truelles et amusez-vous. Bon été, bonne lecture et bon jardinage!

Pignon sur ruelle

Alors qu'il est déménagé à reculons de Québec à Montréal, Alexandre-Nicolas LeBlanc a apprivoisé sa nouvelle ville grâce à sa terrasse dans Notre-Dame-de-Grâce. «Ces quelque 60 géraniums d'un rouge lumineux, c'est ce qui m'a permis de savourer la vie à Montréal», déclare cet auteur. Alors que le balcon avant, beaucoup plus petit, est surtout consacré aux fines herbes, c'est sur la ruelle que notre homme a déchaîné sa passion horticole. «Quand il fait beau, on prend ici nos trois repas par jour. Un rosé sur la terrasse au milieu des géraniums, c'est du bonbon pour l'esprit et le coeur.»

Chaque printemps, une véritable frénésie le reprend: «Dès avril, on se précipite dans les jardineries pour voir si les géraniums sont arrivés.» Puis vient le plaisir de la contemplation et de l'entretien: «Je suis très zen quand j'arrose, dit-il. C'est comme un temps d'arrêt. Et puis, ces fleurs nous donnent tellement de plaisir qu'on doit leur donner nous aussi un peu d'attention.»

Comme la déco sur un gâteau

À son retour d'Inukjuak où il a passé plus de deux ans à enseigner la cuisine, Raymond Charpentier a eu envie de couleur. Plein de couleurs. Sur son petit balcon d'un troisième étage de la rue Jeanne-Mance, il a donc multiplié pots et plantes à fleurs : «Fleurir son balcon, c'est un clin d'oeil à la vie, à la rue, une façon de dire bonjour. C'est comme la déco sur le gâteau qui laisse présager ce qu'il y a dedans», dit-il.

Devant son balcon, le tilleul, qui lui fournit de l'intimité, laisse passer assez de soleil pour permettre aux fleurs de s'épanouir. Et pour son plus grand bonheur, sa voisine, elle aussi, laisse aller allègrement son pouce vert. «Quelques pots, ça change toute la dynamique. C'est la nature, c'est vivant. Alors, l'espace est peut-être petit mais ce minimum qu'on a, on l'utilise.»

Photo: Robert Skinner, La Presse

Le petit balcon de Raymond Charpentier.

À travers les générations

Tandis que son grand-père lui présentait les arbres et les oiseaux du Bas-du-fleuve, sa grand-mère, sur sa grande ferme de l'Islet-sur-Mer, lui transmettait sa passion des fleurs. À tel point que Marie-Thérèse Boucher a déjà vu son propre jardin trôner sur cinq pages d'un magazine horticole. Maintenant qu'elle a elle-même atteint depuis un bon moment l'âge de la retraite, l'ex-libraire a voulu recréer son petit paradis fleuri sur le balcon de la résidence de Laval-des-Rapides où elle vit avec son mari octogénaire: «J'ai essayé de reproduire la même chose en miniature».

Avec un treillis, une fontaine en fond d'écran et, au milieu, toute cette vie dont elle ne peut se passer, Mme Boucher veille sur ses hortensias florifères, ses clématites, belles grimpantes qui se faufilent ici et là, sur son pennisetum qui se balance au vent et sur ses cannas, pour la touche exotique. À l'automne, elle enterre les pots de vivaces, pour les retrouver le printemps venu. Si elle a une préférence pour l'une ou l'autre de ses protégés, elle refuse de l'afficher: «Je ne voudrais pas insulter les autres. Je suis une vraie mordue.»

Photo: François Roy, La Presse

Même si le soleil visite son balcon seulement une petite demi-heure par jour, Marie-Thérèse Boucher réussit étonnamment bien à fleurir son univers.

Chez Mme «Jardinier»

À cause du vent qui balaie l'extérieur de ce condo des ateliers Angus, situé au deuxième étage, le gloriette ou l'auvent étaient contre-indiqués. Sonya Kertész a donc opté pour une pergola qui couvre une partie de sa terrasse, l'autre étant confiée au plein soleil de l'après-midi. D'un côté, l'intimité et le treillis qui accueille des gloires du matin bleu ciel et invite à la relaxation, de l'autre une table (avec parasol) qui peut accueillir huit personnes.

«Je crois que j'ai influencé plusieurs voisins avec la pergola, car j'ai vu pousser d'autres aménagements similaires autour. Mais je voulais aussi que le balcon soit très fleuri, alors j'ai conservé une partie très ensoleillée.» Représentante commerciale chez Bell, elle souligne que son père, qui vit à la campagne, est lui aussi un passionné des plantes et des fleurs. Rien d'étonnant quand on apprend que leur patronyme Kertész (qu'on prononce Kertis) signifie «jardinier» en hongrois!

Photo: André Tremblay, La Presse

Alors que le reste de son balcon est très ensoleillé, Sonya Kertész a su aménager un petit coin plus frais qui invite à la détente.

La sainte paix

«Ma terrasse, c'est mon oasis. Ça me permet de ne pas me sentir en ville et de trouver la sainte paix. Ce n'est pas le paradis terrestre mais c'est mon petit coin de paradis, mon monde à moi, ma maison d'été.» Directrice du marketing d'un grossiste en voyages, Luce Prud'homme améliore son extérieur depuis qu'elle a acheté en 1993, elle le bichonne avec amour. Meubles, lanternes, fontaine, lentement, le paradis a pris corps.

De sa terrasse d'un quatrième étage à Ville Mont-Royal, elle aperçoit la cime des arbres et l'Oratoire: «Quand le soleil se couche, c'est magnifique, féerique, majestueux...» Chaque année, elle attend le printemps avec impatience : «En avril, je sable le plancher, je sors les meubles et à la fin octobre, la mort dans l'âme, je rentre tout cela encore une fois...»





Photo: Patrick Sanfaçon, Archives La Presse

Avec leurs géraniums, patates douces, étoiles de Bethléem et glaces, les bacs encerclent cette terrasse de Mont-Royal, véritable salon extérieur qui s'harmonise d'ailleursparfaitement avec l'intérieur.

Le plaisir partagé

Rue Ontario Est, Benoît Trudel a conçu son balcon véritablement comme une pièce supplémentaire, comme le prolongement de la maison et du saloncuisine qui le jouxte. Et cette pièce extérieure fleurie, il a voulu la partager avec ses voisins du quartier Hochelaga-Maisonneuve. «Même si on est locataires, on a toujours le souci que ce soit agréable à regarder non seulement pour nous, mais pour les autres. Les paravents, ce n'est pas toujours esthétique de l'extérieur.»

Pour lui, donc, le point de vue de la rue et des maisons avoisinantes est tout aussi important que le regard qu'il pose sur cet univers coloré et sur la ville environnante. Surfinias et étoiles de Bethléem débordent littéralement des garde-corps, créant un muret végétal des plus décoratifs quel qu'en soit le point de vue. À l'avenir, cet infographiste remplacera toutefois les surfinias, qui ont le tort de s'écraser après une pluie, par de la verveine plus pimpante en tout temps.

Photo: François Roy, La Presse

Loin de constituer une tâche rebutante, l'arrosage et le soin de ses plantes représente un véritable moment de détente pour Benoît Trudel.