Le proverbe Nul n'est prophète en son pays pourrait s'appliquer à merveille aux courges. Pendant des années, ces splendeurs locales ont pourtant été victimes de préjugés tenaces parmi les cuisiniers professionnels parce qu'associées aux citrouilles de l'Halloween et aux mascarades d'enfants.

Le proverbe Nul n'est prophète en son pays pourrait s'appliquer à merveille aux courges. Pendant des années, ces splendeurs locales ont pourtant été victimes de préjugés tenaces parmi les cuisiniers professionnels parce qu'associées aux citrouilles de l'Halloween et aux mascarades d'enfants.

Considérées comme une nourriture de pauvres, jugées un peu rustres à cause de leur peau fort coriace et aussi sans doute de leur trop grande accessibilité au temps des récoltes, elles n'arrivaient pas à se hisser au palmarès culinaire canadien et européen.

Leur feuille de route avait beau être impeccable à tous points de vue, on se contentait de les utiliser abondamment ici le soir du 31 octobre et en Nouvelle-Angleterre pour les décorations de Jack-O-Lantern ou celles de Thanksgiving. Leur popularité s'arrêtait au pas des portes, c'est le cas de le dire! Rares étaient ceux qui s'étaient même risqués à goûter l'exquise chair orangée d'une courge poivrée, d'une hubbard, buttercup, d'une mammouth, d'une potimarron ou d'une courge musquée.

Les légumes oubliés retrouvés

Mais cet anonymat allait changer avec la vogue des légumes oubliés remis au goût du jour par quelques toques inspirées, qui étaient aussi, souvent, des jardiniers. Après le rutabaga, les crosnes et les topinambours, le temps des courges est enfin venu. On s'est tout à coup rendu compte de leur potentiel culinaire insoupçonné, grâce, notamment, au travail de certains cultivateurs persévérants qui ont décidé de se lancer dans ce type de culture tout en leur assurant une mise en marché dynamique.

Certains ont même poussé la passion jusqu'à créer des centres d'interprétation et des visites à la ferme, histoire de mieux faire connaître ces plantureuses cucurbitacées. Car les courges appartiennent à la même famille que les tomates, les concombres et certains melons: elles poussent en rampant et ont besoin de beaucoup d'espace, d'un peu d'eau et de très peu de soins...

Dans le secteur de la restauration, le virage courge, déjà amorcé l'an dernier, est majeur cette saison. Pas un menu qui ne rivalise d'ingéniosité pour la mettre en vedette: rôtie, en potage, en gratin, en frites même, mijotée, farcie, cachée dans la crème brûlée, transformée en gâteaux ou en de crémeuses garnitures de tartes. Les courges ont finalement gagné leurs lettres de noblesse auprès des chefs professionnels, avec pour conséquence que les cuisiniers du dimanche ont de plus en plus envie de s'y frotter et d'apprendre à les utiliser à leur tour. Et elles méritent amplement leur statut de vedettes durement acquis puisqu'elles ont vraiment toutes les qualités: savoureuses, hyper économiques, polyvalentes, nutritives, hypocaloriques, faciles à cuisiner.

Valeur nutritive

Plus une courge a une chair orangée, plus elle est riche en béta-carotène, un antioxydant reconnu pour aider à la prévention des maladies cardiaques et qui retarde le développement des tumeurs malignes. Les courges contiennent beaucoup de vitamine A (essentielle pour la mémoire et le maintien d'une bonne vision), des fibres en quantité, du potassium et de la vitamine C (anti-infectieuse), du folate et du manganèse.

Les pépins de courge sont aussi délicieux, avec leur goût de noisette prononcé. Ils débordent de protéines de bonne qualité et ont la propriété étonnante de prévenir l'hypertrophie de la prostate, qui affecte un homme sur deux passé 50 ans. Pour les apprêter, il suffit de bien les laver afin de les débarrasser de leurs filaments, de les assécher sur un papier absorbant, de les assaisonner avec quelques gouttes d'huile d'olive et de tamari et de les faire griller au four à 375 degrés pendant une quarantaine de minutes, en remuant souvent pour leur éviter de brûler.

Enfin, ces beautés indigènes, dont il existe des centaines de variétés, étaient cultivées en Amérique du Nord il y a 10 000 ans et elles ont toujours fait partie de la diète de base des Premières Nations, avec le maïs et les haricots. Parce qu'on les faisait pousser ensemble, on avait surnommé ces végétaux les trois soeurs.

Aujourd'hui encore, les courges se cultivent facilement et sans pesticides. Elles se conservent jusqu'à six mois dans un endroit frais, sec, à l'abri de la lumière. Et, mine de rien, quand on achète une courge du Québec, on pose un geste qui a une indéniable portée sociale et environnementale. On favorise une forme d'agriculture durable (peu de pesticides) et non polluante (on n'a pas recours à des camions qui traversent le continent pour venir nous alimenter). Sans parler du goût et de la valeur nutritive qui sont bien supérieurs parce que le légume est cueilli au sommet de sa forme. Intéressant, n'est-ce pas?

Pour préparer et cuire les courges:

Choisir des courges de bonne grosseur, ce qui indique qu'elles ont mûri plus longtemps sur leur plan avant d'être cueillies. Éviter les courges qui ont des meurtrissures.

Certaines se pèlent facilement, comme la courge musquée ou la courge poivrée. On peut alors les faire rôtir à la poêle dans un peu d'huile, avec des oignons et de l'ail, ou les ajouter à un risotto, aux deux tiers de la cuisson. Excellentes aussi en gratin ou dans une béchamel.

Pour préparer toutes les courges, les trancher en deux avec un couteau très robuste (il faut parfois même s'aider d'un marteau pour faire glisser la lame). Gratter les graines et les conserver, enlever les filaments. Bien éponger la chair.

Placer les moitiés de courges légèrement huilées sur une tôle, tête en bas, et cuire jusqu'à tendreté (de 30 à 50 minutes selon la grosseur). Ne pas trop cuire, surtout si vous voulez les farcir ou les ajouter à un mélange de légumes. Ce type de cuisson concentre les saveurs et préserve mieux le contenu en vitamines et minéraux.

On peut aussi cuire les morceaux de courge dans un peu d'eau ou à la vapeur lorsqu'on souhaite faire de la purée pour un potage ou un dessert. Enlever la peau après cuisson facilite beaucoup le travail.

Les courges se congèlent très bien. Si la plupart des livres de recettes recommandent de les faire blanchir au préalable, j'ai obtenu d'excellents résultats en sautant cette étape. Bien protégées de l'air, elles se conserveront sans problème jusqu'à un an.

Les courges fraîches se gardent de quatre à six mois dans un endroit sombre, frais et sec. Pour éviter la formation de pourriture, il faut s'assurer qu'elles ne se touchent pas.

Essayez-les farcies, avec du riz sauvage, des magrets de canard séchés hachés finement, des canneberges et du maïs. Particulièrement bon avec des courges poivrées.

La courge musquée (ou butternut) et la courge poivrée ont la chair la plus ferme. Elles conviennent bien pour être farcies, rôties en cubes avec d'autres légumes, ajoutées à un ragoût.

Pour les meilleures purées (soupes, desserts), la citrouille, le potiron (qui ressemble à la citrouille), la buttercup, la ambercup, la turban (ou giraumont) et la hubbard sont les meilleurs choix.

La courge spaghetti remplace à merveille les pâtes alimentaires et elle est exquise farcie ou en salade. Une fois cuite au four, ses filaments se détachent facilement, comme des pâtes. Étonnant!

Enfin, il ne faut pas se gêner pour bien parfumer les courges, si on veut leur conférer de la personnalité. Elles se marient bien à toutes les herbes provençales (thym, marjolaine, romarin, graines de fenouil, origan, basilic), raffolent des épices indiennes (curcuma, cari, cumin, clou de girofle, graines de coriandre) et apprécient la cannelle, les cinq-épices, le gingembre et la muscade. Les courges ne dédaignent pas non plus l'ajout de piments forts.

Un livre de référence indispensable pour bien les cuisiner:

Pour en apprendre davantage et créer des recettes originales, je vous recommande le livre de Manon Saint-Amand, Le Temps des courges, paru aux éditions de l'Homme.