L'observation et la capture sur vidéo d'un spécimen de pic à bec ivoire dans les forêts marécageuses de l'Arkansas couronnent des décennies de recherche afin de retrouver encore quelques individus de l'espèce, le deuxième plus gros pic en Amérique du Nord. La précédente observation remontait à 1944.

L'observation et la capture sur vidéo d'un spécimen de pic à bec ivoire dans les forêts marécageuses de l'Arkansas couronnent des décennies de recherche afin de retrouver encore quelques individus de l'espèce, le deuxième plus gros pic en Amérique du Nord. La précédente observation remontait à 1944.

Un ornithologue amateur a le premier aperçu l'oiseau, le 11 février 2004. Deux semaines plus tard, il est revenu sur les lieux avec deux spécialistes. À leur premier jour de ce qui devait être une semaine d'observation, un pic à bec ivoire leur est apparu, volant vers leur canot. À la vue de l'oiseau, rapporte le New York Times, l'un des deux spécialistes s'est mis à sangloter, en répétant sans arrêt: «J'ai vu un pic à bec ivoire.»

Aucun autre oiseau n'a fait l'objet d'un mythe aussi fort chez les naturalistes américains. D'ailleurs, même s'il était considéré comme «probablement» disparu, les guides d'identification en présentaient une illustration.

Comme le rapporte la revue Science, qui publiait jeudi l'article attestant l'identification de l'oiseau, le pic à bec ivoire a marqué l'histoire de la conservation de la nature aux États-Unis.

«Sa disparition a coïncidé avec l'annihilation systématique de la forêt vierge dans tout le sud-est des États-Unis, entre 1880 et les années 1940, rappelle la revue. Le déclin de l'espèce a été accéléré par les collectionneurs professionnels qui le pourchassaient sans relâche. La dernière population attestée occupait une forêt marécageuse de feuillus dans le nord-est de la Louisiane. Cette population a disparu quand la forêt a été rasée, malgré les appels à la protection. Le dernier individu, une femelle solitaire, a été observé pour la dernière fois dans un coin saccagé de la forêt en 1944.»

Au cours des années, des pics à bec ivoire ont été signalés dans leur zone originale de distribution, allant de la Floride à l'Arkansas, le long du golfe du Mexique. Mais ces oiseaux se sont finalement avérés des grands pics, une espèce similaire, assez répandue au Québec, qui partage le même habitat en territoire américain.

Le pic à bec ivoire se nourrit d'insectes qu'il déniche sous l'écorce des vieux arbres mais aussi de fruits et de noix. Il se reproduit de janvier à mai et pond habituellement d'un à trois oeufs. Sa longévité est de l'ordre de 35 ans.

Comment a-t-il pu rester caché aussi longtemps? «C'est un oiseau qui a toujours été rare, dit Normand David, directeur général de l'Association québécoise des groupes d'ornithologues. La densité a toujours été très faible: un couple a besoin de 16 km carrés d'habitat.»

Et il est loin d'être sorti du bois. «C'est une bonne nouvelle, mais ça ne veut pas dire que l'espèce est sauvée, loin de là», dit Michel Gosselin, responsable de la collection d'oiseaux du Musée canadien de la nature.

Quant à l'émotion qu'a perçue son collègue américain, M. David la comprend, mais ne la partage pas. «Pour les Américains, c'est une histoire tragique qui a un élément patriotique, dit-il. Il y a des gens qui vont réagir de façon très émotive. Moi, même si je suis émotif, je serais resté calme.»