Les corniches de tôle, parfois très élaborées, ornent la majorité des duplex et triplex construits à Montréal au tournant du XXe siècle. Protégées par règlement, elles sont peu à peu restaurées, parfois même réinstallées. Le plus souvent en noir, n’en déplaise au ferblantier Maxime Lepage, qui rêve d’une ville un peu plus colorée…

« Tu imagines si toutes les corniches de la ville sont noires ? Ça va être vraiment terne ! », lance Maxime Lepage, propriétaire de La corniche, une ferblanterie artisanale qui se spécialise dans la restauration de couronnements d’immeubles.

Attachés à leur patrimoine bâti, la Ville de Montréal et ses arrondissements protègent dorénavant beaucoup mieux les façades des vieux bâtiments, en particulier ceux qui se trouvent dans des secteurs à forte valeur patrimoniale. Quand les propriétaires entament d’importants travaux, les autorités municipales les encadrent attentivement. Utilisation de matériaux d’époque, remise en état de composants architecturaux, voire reconstruction d’éléments disparus, comme une corniche et ses ornements, la liste des exigences imposées aux propriétaires peut être longue. Et la facture, à l’avenant.

Choix de couleur

Pour remplacer une corniche de tôle d’un plex typique, il faut prévoir au moins 5000 $ si elle est très simple, mais jusqu’à 50 000 $ si elle compte de nombreux éléments, comme des urnes et des caissons, etc.

  • Couronnement fort élaboré, rue Villeneuve

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Couronnement fort élaboré, rue Villeneuve

  • Maxime Lepage a travaillé avec de la tôle bordeaux pour ce projet à Outremont.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Maxime Lepage a travaillé avec de la tôle bordeaux pour ce projet à Outremont.

  • Corniche noire, avec deux urnes de part en part du parapet

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Corniche noire, avec deux urnes de part en part du parapet

  • Trois corniches colorées avenue du Mont-Royal Est

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Trois corniches colorées avenue du Mont-Royal Est

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Or, seule liberté ou presque pour les propriétaires, « le bois et la tôle servant de parement ou de revêtement peuvent être d’une couleur différente de celle d’origine », précise le règlement d’urbanisme du Plateau-Mont-Royal, un arrondissement à cheval sur la défense de son patrimoine bâti.

« La mode est au noir, tout le monde veut ça », constate Maxime Lepage, qui n’a rien contre, mais…

Quand c’est noir, on voit très mal les détails. Tu paies cher pour quelque chose que tu ne vois pas. À l’opposé, la poussière paraît très bien sur le noir.

Maxime Lepage, de La corniche

« Aussi, la tôle noire, ça devient très chaud au soleil, ce n’est pas idéal, ajoute-t-il. Ce n’est pas pour rien que les gens installent aujourd’hui des toits blancs… »

Ça reste un choix personnel, convient le ferblantier, qui invite néanmoins les propriétaires à oser la couleur.

« C’est vivant, la couleur, en ville, dit-il. À l’origine, il y en avait beaucoup. Je pense que les gens de l’époque voulaient que ça soit beau et mettaient leur maison en valeur comme ça. »

Il existe peu de documents pour établir avec certitude les couleurs les plus populaires à l’époque où les corniches de tôle deviennent omniprésentes à Montréal, au tournant du XXe siècle. Maxime Lepage évoque le vert bouteille, le bleu acier et aussi l’orange brûlé… L’important, croit-il, c’est que ces couleurs étaient variées.

Parmi les nombreux projets que son entreprise a réalisés depuis 2017, Maxime Lepage cite un trio d’immeubles commerciaux avenue du Mont-Royal Est, avec des corniches rouge, bleue et grise. Il parle aussi d’une maison de la rue Villeneuve, avec son couronnement élaboré en tôle bleu clair. À Outremont, il a travaillé avec du bordeaux, un couleur qu’il aime bien.

Multiples défis

Peu importe les couleurs, avec la règlementation en place, Maxime Lepage et ses trois employés ne chômeront pas au cours des prochaines années. « On en a au moins pour 20 ans encore à remettre des corniches en état, dit-il. On paie pour les négligences du passé. »

Chaque couronnement à refaire représente un défi, ce qui explique peut-être pourquoi si peu d’entreprises s’y affairent. « Il faut aimer se casser la tête, il n’y a rien de droit, explique le ferblantier. Les urnes décoratives, par exemple, ne sont jamais pareilles, il faut les recréer chaque fois. »

Pourquoi accorder tant d’importance à la corniche ? Cet ornement donne beaucoup de personnalité à un immeuble, souligne Michel Tanguay, chargé de communication de l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal. Sans leur corniche d’origine, les plex deviennent vite quelconques.

Partout dans le Plateau, la règlementation pour la protection du patrimoine est devenue beaucoup plus contraignante en 2004, et pas seulement pour les couronnements. « L’impact a été très positif, estime Michel Tanguay. Plein d’immeubles ont retrouvé leurs caractéristiques d’origine, comme les corniches et les balcons de bois. Oui, il y a des coûts, mais les propriétés bien rénovées ont aussi pris beaucoup de valeur. »

Consultez le site de La corniche

Les couronnements en bref

On trouve des corniches dans tous les vieux quartiers de Montréal. Mais ce ne sont pas les seuls types de couronnements présents dans la métropole.

Mansardes et fausses mansardes

  • Toits mansardés aux abords du square Saint-Louis

    PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

    Toits mansardés aux abords du square Saint-Louis

  • Exemple de fausse mansarde

    PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

    Exemple de fausse mansarde

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Au XIXe siècle, beaucoup de bâtiments résidentiels sont surmontés de mansardes de tôle et d’ardoise, avec souvent des petites lucarnes en bois. Vers 1890, de fausses mansardes apparaissent. Elles ne font pas partie du toit, mais de la façade des bâtiments. Elles sont aussi agrémentées de lucarnes et de moulures de bois. Certaines sont très élaborées.

Corniches et parapets

  • Corniches avec des corbeaux (petites pièces en saillie)

    PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

    Corniches avec des corbeaux (petites pièces en saillie)

  • Parapet sur la façade de l’ancien poste de pompiers qui abrite aujourd’hui le théâtre Espace libre, rue Fullum

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Parapet sur la façade de l’ancien poste de pompiers qui abrite aujourd’hui le théâtre Espace libre, rue Fullum

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À partir des années 1880, les corniches de fer blanc, plus économiques, gagnent en popularité à Montréal, au point de devenir plus répandues que celles en bois dès 1895. Certaines sont constituées d’une simple moulure posée en saillie au sommet des façades. D’autres affichent des ornements élaborés, comme des urnes. Après la Première Guerre mondiale, des parapets de maçonnerie — partie surélevée au centre du bâtiment — sont souvent associés aux corniches.

Source : « Les couronnements », fiche patrimoine produite par l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal