Violette Goulet, dans la jeune trentaine, a étudié en arts plastiques au cégep, puis en chant jazz à l'Université Concordia (elle a une très jolie voix) avant de se lancer en charpenterie-menuiserie. Parcours atypique s'il en est, qui montre bien qu'elle n'a peur ni des défis ni des changements. Heureusement, d'ailleurs, parce que la voie qu'elle a choisie est semée d'obstacles, et pas seulement parce qu'elle est une femme : c'est plutôt le fait qu'elle s'intéresse aux techniques traditionnelles qui lui complique la vie...

« Quand on sort de l'école des métiers de la construction, en principe, on "peut" tout faire, mais on ne "sait" pas tout faire. On survole à peine les techniques ancestrales durant notre formation, et ça ne m'avait donc pas attirée plus que ça au départ. Je m'étais spécialisée en finition intérieure et j'ai commencé mon apprentissage en posant des moulures dans les chantiers de condos. J'aurais pu faire ça toute ma vie sans trop me poser de questions, j'imagine... Puis, j'ai visité par hasard une maison ancestrale en cours de restauration près de chez moi. Ç'a été une révélation ! Les propriétaires, des gens extraordinaires, m'ont donné du travail sur le chantier. J'ai appris tellement de choses sur les techniques traditionnelles, les matériaux, les structures ! »

Elle a donc voulu en savoir plus et profité d'une période de chômage pour suivre, avec deux camarades, une formation sur la restauration patrimoniale offerte par le Conseil des métiers d'art du Québec. « C'est une formation exceptionnelle, dit-elle, qui touche à l'histoire, à l'éthique... La rénovation patrimoniale, c'est une véritable philosophie ! »

Idéalement, Violette aurait voulu se placer comme apprentie chez un maître charpentier pour parfaire ses connaissances. Mais, explique-t-elle, les petits artisans ont rarement les moyens d'embaucher des apprentis. C'est pourquoi ses camarades et elle ont mis sur pied une coopérative de travail. Hélas, il n'a pas fallu bien longtemps pour qu'ils se voient obligés de mettre la clé sous la porte : les contrats manquaient. « Maintenant que les gens ont accès à des matériaux bon marché qu'ils peuvent installer eux-mêmes, ils ne veulent plus engager des artisans qui, à leurs yeux, vont coûter trop cher, déplore Violette. Mais quand les propriétaires installent des fenêtres usinées et du parquet flottant dans une maison ancestrale, ils la dévaluent au lieu de l'améliorer. Malheureusement, ils ne le savent pas ou ils ne trouvent pas ça important... Conserver le patrimoine, au Québec, on dirait que ça ne fait pas partie de notre culture. »

Histoire de payer les factures, Violette travaille maintenant pour une entreprise qui fait de la rénovation après sinistre. Son goût et son talent pour la restauration patrimoniale, elle les consacre à la jolie maison ancienne qu'elle possède dans la région de Vaudreuil. Elle rêve de lui redonner son parement de bardeaux de cèdre, malheureusement caché sous une couche de crépi dans les années 60. En attendant, avec son voisin, qui est compagnon ferblantier, elle refait le toit de son garage en tôle à joints pincés, comme à l'origine.