(Argelès-sur-Mer) « Puigdemont, président ! » : les militants attendent le début d’une rencontre du leader indépendantiste catalan à Argelès-sur-Mer, localité du sud de la France devenue son QG de campagne pour le scrutin régional qui se tient dimanche en Catalogne… de l’autre côté de la frontière.

Il est presque midi et quelques milliers de personnes font la queue pour entrer dans une salle de cette commune située à une trentaine de kilomètres de cette région du nord-est de l’Espagne, théâtre d’une tentative de sécession en 2017 lorsque le séparatiste de 61 ans était à la tête du gouvernement local.

Installé en Belgique depuis son départ d’Espagne pour échapper aux poursuites judiciaires, Carles Puigdemont vient de déménager le mois dernier dans le département français des Pyrénées-Orientales, de culture catalane, que les indépendantistes appellent la « Catalogne nord ».

Toujours sous le coup d’un mandat d’arrêt en Espagne pour son rôle dans les évènements de 2017 et donc dans l’impossibilité de traverser la frontière, il mène depuis Argelès une campagne électorale atypique pour les régionales du 12 mai.

Des autobus amènent d’Espagne des militants de son parti Junts per Catalunya (Ensemble pour la Catalogne) à chacune de ces rencontres. Garés sur le stationnement, ils affichent le visage de Puigdemont ou des slogans comme « la Catalogne a besoin d’indépendance ».

« Triste » exil

« C’est assez triste, car le président » – comme l’appellent les militants de son parti en référence à son mandat passé de président régional – « devrait être en Catalogne. C’est pour cela qu’il est très important que nous venions » à ses rencontres, insiste Maria Àngels Lorés, professeure de 58 ans dans le secondaire et conseillère municipale de Junts dans une commune de Catalogne.

C’est la troisième fois que M. Puigdemont se présente aux élections régionales en Catalogne depuis son départ en octobre 2017.  

Mais pour la première fois, il peut entrevoir la fin de cet « exil » grâce à la loi d’amnistie concédée aux partis indépendantistes catalans par le premier ministre espagnol Pedro Sánchez, en échange du soutien de leurs députés à sa reconduction pour un nouveau mandat de quatre ans en novembre.

Voté en première lecture en mars par les députés, ce texte devrait être adopté définitivement fin mai, ce qui permettra à Carles Puigdemont de faire son grand retour en Catalogne.

Un retour qu’il rêve couronné d’une victoire aux régionales-ce qui semble toutefois compliqué au vu des sondages, qui donnent le Parti socialiste de Pedro Sánchez largement en tête.

« Ces élections sont fondamentales, car après tout ce temps en exil, le probable retour du président leur donne de l’importance », estime justement Arnau Ollé, informaticien de 29 ans, venu depuis la périphérie de Barcelone.  

« Vive la Catalogne libre »

À quelques rues de là, l’enjeu des élections en Catalogne ne semble pas émouvoir la population locale.

Alain Saussier, retraité de 72 ans, admet, sur le marché où la saison touristique ne bat pas encore son plein, avoir vu « quelques bus passés », mais « c’est tout ».

À la sortie d’une boulangerie, Muriel Creel, retraitée de 71 ans, dit pour sa part « ne pas partager du tout les idées » de Carles Puigdemont.

« L’Espagne est une entité et il faut qu’elle reste une entité, comme en France. On a besoin d’avoir des traditions régionales, c’est très bien, mais il faut que le pays reste uni », dit-elle.

À la sortie de la rencontre avec Carles Puigdemont, achevé sur un traditionnel « Vive la Catalogne libre », Yolanda Gómez, femme au foyer barcelonaise de 60 ans, affirme avoir vu le leader indépendantiste « enthousiaste et motivé ». Et imagine déjà, avec le sourire, son retour en Catalogne comme « une fête ».