Qu’est-ce qui préoccupe particulièrement les Américains, en cette année électorale ? Et quels enjeux risquent de convaincre les moins politisés de se rendre aux urnes ? Tour d’horizon en six thèmes.

Économie

PHOTO ANDRES KUDACKI, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Près des trois quarts des Américains demeurent « très préoccupés » par le coût de la nourriture et des biens de consommation.

Le pouvoir d’achat, l’inflation, les emplois, les investissements… Oui, 32 ans après la campagne de Bill Clinton et le populaire « c’est l’économie, stupide », le sujet reste central. Près des trois quarts des Américains demeurent « très préoccupés » par le coût de la nourriture et des biens de consommation, selon un sondage du Pew Research Center réalisé en janvier, et 64 % éprouvent la même inquiétude pour leur hébergement. « Les électeurs ont tendance à beaucoup se soucier de l’économie, des changements dans l’économie, des grosses nouvelles sur si ça va mieux ou si ça empire, analyse Casey Dominguez, professeure à l’Université de San Diego. C’est quelque chose qui affecte traditionnellement les électeurs indécis. » Si le pouvoir d’achat s’est détérioré avec l’inflation au cours des dernières années, la menace d’une récession ne s’est pas concrétisée et le taux de chômage reste historiquement bas.

Démocratie

PHOTO JOSE LUIS MAGANA, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

L’assaut du Capitole le 6 janvier 2021 laisse un goût amer en ce qui a trait à la démocratie aux États-Unis.

La démocratie est souvent un concept plutôt théorique, une incitation à voter pour s’assurer d’une bonne représentation. Mais après l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021 – et la certitude qu’ont toujours certains citoyens d’une élection volée –, la donne a changé. « Préserver la démocratie » figurait en tête des préoccupations pour 44 % des répondants démocrates dans un sondage NPR/PBS NewsHour/Marist National Poll, réalisé à la fin du mois de janvier. Chez les démocrates, « il y a la peur de Trump comme de quelqu’un qui va éliminer, en quelque sorte, les systèmes et les traditions démocratiques », indique Jason Opal, professeur d’histoire à l’Université McGill. Les deux tiers des répondants républicains d’un sondage national de Grinnell College craignent eux aussi une menace majeure à la démocratie américaine ; un peu plus de la moitié des participants affiliés à ce parti craignent des résultats faussés par une fraude électorale.

Avortement

PHOTO ROGELIO V. SOLIS, ASSOCIATED PRESS

Un manifestant anti-avortement est posté devant une clinique à Jackson, au Mississippi.

C’est la première élection présidentielle depuis que la Cour suprême a statué, en juin 2022, que l’interruption volontaire de grossesse n’est pas un droit garanti par la Constitution. Depuis, il revient à chaque État de légiférer sur l’accès à l’avortement. L’enjeu pourrait inciter des citoyens traditionnellement moins politisés à se rendre aux urnes. Surtout si une question référendaire touchant les droits reproductifs est soumise au vote – les règles varient selon les États, mais une proposition de modifier la Constitution d’un État pourrait être soumise au scrutin si des pétitions accumulent assez d’appuis. « Ce que je vais regarder de près, c’est le taux de participation chez les femmes », note M. Opal. Depuis la décision de 2022, huit États ont soumis au vote des questions sur l’avortement. « Chaque fois, y compris dans des États très conservateurs, il y a eu un vote massif des femmes », souligne le professeur.

Immigration

PHOTO REBECCA NOBLE, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Un bénévole distribue de l’eau aux migrants à la frontière à Sasabe, en Arizona.

« L’immigration, l’immigration, l’immigration : c’est ça, le sujet le plus important pour les républicains », affirme M. Opal. L’enjeu arrive effectivement en tête des préoccupations dans ce parti, notamment dans un sondage NPR/PBS NewsHour/Marist National Poll. Ce n’est pas nouveau : Donald Trump avait fait campagne en 2016 en promettant de construire un mur le long de la frontière mexicaine – qui n’est pas achevé. Joe Biden s’est d’ailleurs attiré des critiques de ses partisans en annonçant la mise en place de nouvelles barrières à la frontière entre le Mexique et les États-Unis. Les détracteurs républicains de l’actuel président attribuent l’augmentation du nombre de migrants à son laxisme et à l’annulation de politiques mises en place par son prédécesseur. À la frontière sud, les douaniers ont intercepté plus de 2,4 millions de migrants d’octobre 2022 à septembre 2023. Pour la même période en 2018-2019, le total était de 977 509.

Politique étrangère

PHOTO CARLOS GARCIA RAWLINS, ARCHIVES REUTERS

Des manifestants bloquent partiellement une route à Tel-Aviv pour encourager la libération d’otages capturés en Israël le 7 octobre dernier.

Au Michigan, un peu plus de 100 000 personnes ont enregistré l’équivalent d’un vote blanc aux primaires démocrates mercredi, pour dénoncer le soutien du président Joe Biden à Israël dans sa guerre à Gaza. Cette année, la politique étrangère de chaque candidat pourrait influencer le choix des électeurs ou les inciter à annuler leur vote en guise de protestation. Le mécontentement au Michigan, qui compte une importante population arabo-américaine, inquiète les démocrates, puisqu’il s’agit d’un État pivot, qui peut faire toute la différence dans le résultat final. D’autres communautés, afro-américaines, par exemple, ont aussi démontré leur appui aux Palestiniens de Gaza. L’impact sur l’élection de novembre reste difficile à mesurer, et pourrait dépendre de l’évolution de la situation au Proche-Orient. L’appui à l’Ukraine, et ses coûts, pourrait aussi s’inviter davantage dans la campagne au fil des mois.

Environnement

PHOTO JESSICA LUTZ, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Raffinerie de pétrole à Pecos, au Texas

Les changements climatiques restent un sujet équivoque pour bien des Américains. La jeune génération est la plus préoccupée par la question : 78 % des adultes de 18 à 29 ans sondés en octobre par le Pew Research Center estimaient que le tort causé aux Américains par les changements climatiques va s’empirer au cours de leur vie. Sans surprise, l’environnement inquiète davantage les démocrates que les républicains. « Dans la population plus large, c’est plus une question de changements climatiques combinés avec l’économie, estime M. Opal. On s’inquiète beaucoup du prix du pétrole, il y a beaucoup de gens très attachés à l’industrie pétrolière, aux États-Unis, mais de plus en plus de gens, surtout chez les démocrates, pensent qu’on peut bâtir une économie, créer des emplois en transitant vers l’économie verte. » Le Texas est devenu le leader des énergies vertes, mais le sujet des changements climatiques y est encore perçu comme un enjeu de la gauche.

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Avec Associated Press, le Washington Post, l’Agence France-Presse