(New York) « Hopium » : mot-valise associant les mots hope (espoir) et opium. À la veille des élections de mi-mandat de 2022, le gourou de la prédiction politique Nate Silver l’a inventé pour se moquer du stratège démocrate Simon Rosenberg. À l’époque, ce dernier était l’une des très rares voix à nier l’imminence d’un balayage électoral des républicains au Congrès américain.

« Je n’ai jamais vu [quelqu’un] fumer autant d’hopium », a déclaré Silver lors d’une émission balado diffusée sur le site FiveThirtyEight le 2 novembre 2022, en faisant allusion à Rosenberg, ex-membre du célèbre « War Room » de Bill Clinton et conseiller externe de l’administration Obama.

Six jours plus tard, les résultats des élections de mi-mandat ont donné raison à Rosenberg : les démocrates ont ajouté à leur majorité au Sénat et limité leurs pertes à la Chambre des représentants à une poignée de sièges. Et ce, malgré l’impopularité de Joe Biden, l’inflation élevée et la hausse du prix de l’essence, qui laissaient présager une vague rouge, comme ne cessaient de le prédire les républicains et la plupart des commentateurs.

Depuis lors, l’insulte de Nate Silver fait partie de l’image de marque de Simon Rosenberg, qui publie un bulletin d’information intitulé Hopium Chronicles, où il renforce le message qu’il a livré mercredi soir dernier lors d’un webinaire : Joe Biden sera réélu en 2024, et sa victoire sera plus décisive qu’en 2020.

Nous avons plus de munitions pour définir Donald Trump comme inapte et en dehors du courant dominant qu’aucune campagne n’en a jamais eu dans l’histoire moderne des États-Unis. Nous pouvons gagner avec huit, neuf, dix points d’avance. Nous pouvons non seulement gagner, mais également écraser le mouvement MAGA.

Extrait du webinaire de Simon Rosenberg

Simon Rosenberg a fait cette prédiction au cours d’une semaine où Bloomberg a publié un sondage indiquant que Donald Trump jouissait d’une avance de deux à neuf points de pourcentage sur Joe Biden dans sept États clés. Dans la même semaine, faut-il préciser, Reuters a présenté un instantané fort différent. Son sondage, réalisé par Ipsos, donnait au président démocrate une avance de quatre points de pourcentage sur son prédécesseur dans les mêmes sept États clés où Bloomberg a sondé le pouls de l’électorat.

Les sondages font dire à Rosenberg que les deux candidats sont à égalité. Les médias, note-t-il, ont tendance à mettre en lumière ceux qui donnent l’avance à Donald Trump, mais il en compte au moins huit depuis la fête de Thanksgiving qui créditent Joe Biden d’une avance.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE X DE SIMON ROSENBERG

Le stratège démocrate Simon Rosenberg

« Personne ne devrait s’inquiéter des sondages, dit-il. Une partie de notre coalition vagabonde en ce moment et il faudra la récupérer. Nous ne devrions pas en être surpris. Nous sommes à 11 mois de l’élection présidentielle. Notre campagne n’est pas encore lancée, contrairement à celle des républicains. »

« Une année remarquable »

En dressant la liste des raisons pour lesquelles les démocrates devraient être optimistes à l’approche de 2024, Simon Rosenberg commence par l’économie. Il enfile les données : produit intérieur brut à plus de 5 % lors du dernier trimestre, inflation à 0 % en octobre et à 0,1 % en novembre, chômage à son plus bas niveau en temps de paix depuis la Seconde Guerre mondiale, marché boursier en effervescence et trois baisses probables des taux d’intérêt de la Réserve fédérale en 2024.

Il enchaîne en énumérant les succès électoraux des démocrates depuis la décision de la Cour suprême des États-Unis abrogeant l’arrêt Roe c. Wade sur l’avortement, en juin 2022.

« Nous avons connu un parcours extraordinaire depuis cette décision », dit-il en mentionnant notamment les succès des candidats démocrates lors d’élections spéciales ainsi que celles de mi-mandat.

Ce fut une année remarquable. Nous avons gagné des sièges au Sénat. Nous avons gagné des chambres dans les législatures d’État. Nous avons ravi deux postes de gouverneur aux républicains. Au cours d’une année qui devait être celle d’une vague rouge, nous avons en fait gagné du terrain dans tout le pays.

Extrait du webinaire de Simon Rosenberg

En 2023, une « vague bleue » a continué de déferler sur les États-Unis, selon Rosenberg, qui cite notamment l’élection cruciale d’une juge progressiste à la Cour suprême du Wisconsin, la victoire d’un référendum garantissant le droit à l’avortement en Ohio et la conquête d’une des chambres du Parlement de Virginie.

« Il s’agit de véritables élections, dit Rosenberg. Il ne s’agit pas de sondages. Il ne s’agit pas de manipulation de données. Il s’agit d’électeurs qui se déplacent. De candidats qui présentent leurs arguments. Et élection après élection, nous leur bottons le derrière. »

« L’über MAGA »

Quand l’élection présidentielle de 2024 deviendra « un choix binaire », Rosenberg est persuadé qu’une majorité de 55 % d’électeurs choisira Joe Biden, dont la part de l’électorat s’est élevée à 51,3 % en 2020.

« Nous avons un argument très fort à faire valoir pour notre réélection, dit-il. Et qu’ont-ils ? Ils ont Donald Trump. Et ils ont une politique MAGA qui ne cesse de perdre. Ils ont perdu en 2018. Ils ont perdu en 2020. Ils ont perdu en 2022. Et ils ont perdu en 2023. Le pays n’est pas MAGA. »

« Et le problème pour les républicains, c’est que leur candidat en 2024 est en train de tomber dans le super MAGA, dans l’über MAGA, dans le MAGA sous stéroïdes. Donald Trump est un personnage bien plus dépravé, endommagé et dangereux qu’il ne l’était déjà en 2020 », ajoute-t-il avant d’évoquer les ennuis judiciaires de l’ancien président.

Mais Joe Biden n’est-il pas trop vieux pour transmettre ce message à un électorat qui doute de ses capacités ?

« Je pense que nous devons considérer l’âge de Biden non pas comme un handicap, mais comme un atout. Il a réussi grâce à son âge, et non malgré lui, à mon avis », répond Simon Rosenberg.

Trop d’« hopium » ? On connaîtra la réponse en novembre 2024.