(Washington) L’avenir de l’aide américaine à l’Ukraine est en jeu après l’accord provisoire aux États-Unis pour éviter une paralysie de l’administration fédérale, même si le président Joe Biden se veut rassurant sur la poursuite de son soutien.

Moins de dix jours après une visite du président ukrainien Volodymyr Zelensky à Washington, le compromis trouvé samedi soir au Congrès américain laisse de côté une nouvelle aide, à laquelle s’opposent des membres de la droite dure.

La question du budget, extrêmement politisée à Washington, pèse sur le sort de l’assistance militaire, avec la crainte de répercussions sur le terrain, à des milliers de kilomètres de là.

M. Biden et son camp démocrate soutiennent que l’Amérique a le devoir d’aider l’Ukraine à résister à l’invasion lancée par le président russe Vladimir Poutine. Dans le cas contraire, avertissent-ils, les autocrates seraient encouragés à l’avenir.

Dimanche, le démocrate a exhorté le président républicain de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, à cesser de « jouer » avec le budget, et à accepter de faire passer une mesure distincte sur une aide additionnelle à l’Ukraine au plus vite.

« Je veux le dire à nos alliés, au peuple américain et au peuple d’Ukraine, vous pouvez compter sur notre soutien. Nous n’abandonnerons pas » l’Ukraine, a-t-il dit depuis la Maison-Blanche.  

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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a été reçu à la Maiosn-Blanche par Joe Biden, le 21 septembre.

Les autorités ukrainiennes ont réagi en indiquant qu’elles « travaillaient activement » avec Washington pour s’assurer qu’une nouvelle aide soit bien dans les tuyaux.

L’Union européenne, de son côté, s’est dite « surprise », par la voix de son chef de la diplomatie, Josep Borrell, regrettant « profondément la décision des États-Unis ». « J’espère que cette décision ne sera pas définitive et que l’Ukraine continuera à bénéficier du soutien des États-Unis », a-t-il ajouté.

Climat polarisé

Cependant, le message que toute cette situation envoie au monde, à savoir que non seulement les républicains, mais aussi certains démocrates, sont prêts à sacrifier l’Ukraine pour des questions de politique intérieure, est dommageable, estime l’analyste Brett Bruen.

« Cela devrait inquiéter les dirigeants à Kyiv, et je pense qu’à Moscou ils sont en train de célébrer les signaux selon lesquels notre soutien pourrait être en train de faiblir », a ajouté l’ancien diplomate américain et président du groupe Global Situation Room.  

L’Ukraine est déjà préoccupée par l’idée d’un possible retour à la Maison-Blanche du républicain Donald Trump, qui a par le passé chanté les louanges de Vladimir Poutine.

Des responsables démocrates ont indiqué samedi qu’ils s’attendaient à ce qu’une mesure séparée sur l’aide à l’Ukraine soit présentée dans les jours à venir.  

La Maison-Blanche avait initialement réclamé que la loi de finances votée par les élus comprenne 24 milliards de dollars d’aide militaire et humanitaire pour Kyiv. Il n’était pas clair si la nouvelle aide demandée serait du même montant.

Et dans un climat politique ultra polarisé, la tâche s’annonce rude.

À un peu plus d’un an de la présidentielle américaine, la question ukrainienne fait régulièrement l’objet de polémiques, avec des interrogations sur le flot d’aide envoyé par Washington à Kyiv – notamment 43 milliards de dollars d’assistance militaire.

Au Congrès, une lutte fratricide se prépare : un meneur de la droite dure, l’élu de Floride Matt Gaetz – l’un des opposants les plus fermes à l’octroi de davantage d’aide à l’Ukraine – a annoncé qu’il déposerait une motion pour destituer Kevin McCarthy.

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Le président de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, a célébré l’adoption de la résolution permettant d’éviter la paralysie budgétaire.

Si ce dernier survit au vote, il a aussi ses exigences.

« Je vais m’assurer que les armes soient fournies à l’Ukraine, mais ils n’obtiendront pas de gros ensemble [d’aides] si la frontière n’est pas sûre », a dit M. McCarthy à CBS dimanche, en allusion à la « crise migratoire » aux États-Unis dénoncée par son camp.

Lassitude

Même si Kevin McCarthy dit oui à l’aide à l’Ukraine, probablement dans le cadre d’un accord avec les démocrates pour parvenir à rester président de la Chambre, un autre problème se pose : la lassitude face à la guerre.

Un an et demi après l’invasion russe, le scepticisme s’étend à certains républicains modérés, qui disent ne pas vouloir faire de « chèque en blanc » à Kyiv.

Et face à l’inflation enregistrée aux États-Unis, des électeurs américains semblent avoir les mêmes doutes.

Un sondage ABC/Washington Post publié le 24 septembre montrait que 41 % des personnes interrogées pensaient que Washington en faisait trop pour soutenir l’Ukraine, contre 33 % en février et 14 % en avril 2022.