L'accord de paix en Colombie pourrait servir de modèle à des pays en guerre, a estimé samedi son président Juan Manuel Santos en recevant son Nobel de la Paix, alors que les autres remises de Nobel ont été marquées par l'absence de Bob Dylan.

L'Américain, lauréat du prix de littérature, a snobé la cérémonie à Stockholm, prétextant «d'autres engagements», tandis que les lauréats scientifiques et d'économie ont reçu des mains du roi Carl XVI Gustaf de Suède une médaille en or et un diplôme.

L'absence de Bob Dylan a heurté en Suède, où elle a été perçue comme un camouflet à l'Académie de littérature et à la Fondation Nobel, qui ont affirmé ne pas en prendre ombrage.

Lors de la cérémonie, la chanteuse américaine Patti Smith, grande admiratrice de Dylan, a interprété l'une de ses chansons phare, A Hard Rain's A-Gonna Fall. Une performance qu'elle a interrompue, semblant chercher ses mots, avant de s'excuser de son émotion et reprendre, encouragée par les applaudissements chaleureux de l'assemblée.

L'auteur-compositeur-interprète a envoyé un discours de remerciement qui sera lu dans la soirée à l'issue du banquet Nobel sous les ors de l'Hôtel de Ville de Stockholm.

Un peu plus tôt samedi, lors de la cérémonie de remise du prix de la Paix à Oslo, le président colombien Juan Manuel Santos, a souligné que le texte signé avec la rébellion marxiste des Farc après plus d'un demi-siècle de violences était «un accord qui peut faire office de modèle pour la résolution des conflits armés restant à résoudre à travers le monde».

«Il prouve que ce qui, au premier abord, semble impossible peut, avec de la persévérance, devenir possible même en Syrie, au Yémen ou au Soudan du Sud», a-t-il ajouté.

Après un faux départ dû au rejet par référendum d'un premier texte début octobre, le gouvernement de M. Santos et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) ont signé le 24 novembre un accord visant à refermer un conflit qui a fait au moins 260 000 morts et plus de 60 000 disparus.

La paix «de l'Alaska à la Patagonie»

Modifié pour y intégrer des propositions de l'opposition, le nouveau document prévoit --comme le précédent-- le désarmement des Farc et leur transformation en mouvement politique.

«Avec cet accord, nous pouvons dire que le continent américain, de l'Alaska à la Patagonie, est une terre en paix», a affirmé le président colombien à l'Hôtel de Ville d'Oslo, décoré de roses et d'oeillets colombiens.

Dans un discours très applaudi, M. Santos a rendu hommage aux victimes du conflit à qui il a déjà promis de reverser les 8 millions de couronnes suédoises (environ 1,1, million CAN) du Nobel.

Parmi les invités de marque à la cérémonie figuraient deux célèbres ex-otages des Farc, la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt et la Colombienne Clara Rojas, et l'ancien secrétaire d'État américain Henry Kissinger, lui-même lauréat --très controversé-- du prix de la paix.

Lors d'un entretien accordé quelques heures plus tôt à l'AFP, M. Santos a souligné que le plus dur était à venir.

La période qui s'ouvre «est une étape plus difficile que le processus (de négociations) lui-même, qui nécessite beaucoup d'efforts, de persévérance et d'humilité», a-t-il dit.

Avant que la Colombie ne connaisse une paix totale, il faudra aussi qu'une autre guérilla, l'Armée de libération nationale (ELN, guévariste), dise elle aussi adieu aux armes.

M. Santos, 65 ans, a confié à l'AFP ne pouvoir s'engager sur les chances de conclure la paix avec l'ELN avant de quitter le pouvoir en 2018: «Je ferai mon possible mais établir un calendrier contraignant est toujours contre-productif dans des négociations de ce genre».

L'ELN et le gouvernement ont entamé des discussions secrètes en janvier 2014 afin de préparer l'ouverture de pourparlers officiels mais le processus bute sur la détention d'otages et de prisonniers dans les deux camps.

PHOTO JESSICA GOW, AFP/AGENCE TT

Lors de la cérémonie, la chanteuse américaine Patti Smith a interprété l'une de ses chansons phare, A Hard Rain's A-Gonna Fall.