Un responsable américain a qualifié l'annonce d'«événement clé»: après plus d'une décennie de guerre contre le gouvernement afghan et ses alliés occidentaux, les rebelles talibans ont confirmé hier l'ouverture d'un bureau à Doha, au Qatar, où ils doivent entamer dans quelques jours des pourparlers de paix avec les États-Unis.

Cette première rencontre officielle reflète la volonté souvent frustrée de l'administration Obama de mettre en place un processus de paix avant le retrait des forces américaines d'Afghanistan à la fin de 2014. Elle se déroulera sans la présence du gouvernement afghan, qui tente également depuis plusieurs années d'ouvrir des négociations avec les rebelles.

«Il s'agit d'un premier pas important vers une réconciliation», s'est félicité Barack Obama lors d'une rencontre avec son homologue français François Hollande en marge du G8 en Irlande du Nord.

Il ne faut cependant pas s'attendre à ce que cette éventuelle réconciliation se fasse rapidement, a prévenu le président américain.

«Nous prévoyons qu'il y a aura de nombreux obstacles sur la route», a-t-il dit.

Les États-Unis seront représentés à Doha par des responsables du département d'État et de la Maison-Blanche. Selon un responsable américain, la rencontre de Doha a été approuvée par le chef spirituel des talibans, le mollah Omar, et portera sur un échange d'ordres du jour qui doit être suivi d'une autre rencontre dans une ou deux semaines.

Changement de cap

Les talibans ont refusé jusqu'ici de participer à des négociations avec les Américains et leurs alliés tant qu'il y aurait des soldats étrangers en Afghanistan. De toute évidence, et pour une raison encore inexpliquée, ils ont changé d'avis, acquiesçant notamment à une demande des Américains qui exigeaient d'eux une déclaration contre le retour éventuel d'Al-Qaïda en Afghanistan.

«L'émirat islamique d'Afghanistan (le commandement taliban) ne veut pas que l'Afghanistan serve à échafauder des menaces pour d'autres pays, et ne permettra pas plus à quiconque de menacer d'autres pays à partir du territoire afghan», a déclaré Muhammad Naim, porte-parole des talibans, en lisant un communiqué lors d'une conférence de presse à Doha hier.

«Nous soutenons le principe d'une solution politique et pacifique qui puisse mettre fin à l'occupation de l'Afghanistan et garantir au pays un régime islamique et la sécurité», a-t-il ajouté.

Karzaï à l'écoute

Le président afghan Hamid Karzaï ne s'est pas formalisé publiquement de l'exclusion des représentants de son gouvernement de la première rencontre entre les Américains et les talibans à Doha. Comme les Américains, il prévoit que ce premier contact sera suivi d'une rencontre entre les talibans et le Haut conseil pour la paix (HCP), la structure qu'il a mise en place pour les négociations entre le gouvernement afghan et les rebelles.

«Nous espérons que l'ouverture de ce bureau, immédiate ou future, permettra d'entamer dès que possible des discussions entre le HCP et les talibans», a déclaré le président Karzaï à Kaboul.

Après avoir longtemps qualifié le chef d'État de «marionnette des États-Unis», les rebelles talibans ont exprimé hier leur accord à des rencontres avec ses représentants.

L'annonce de l'ouverture du bureau des talibans à Doha coïncide avec une étape importante du processus de transfert d'autorité en Afghanistan. Les forces afghanes ont en effet pris hier le contrôle de la sécurité de l'ensemble du pays à la place de la force internationale de l'OTAN qui s'en chargeait depuis la chute des talibans en 2001.

Quatre soldats américains ont été tués hier en Afghanistan dans une attaque menée par des insurgés contre la base aérienne de Bagram, a annoncé un responsable américain de la Défense. Les soldats ont été tués par des tirs de roquettes ou de mortiers, a précisé ce responsable, qui s'exprimait sous couvert d'anonymat. -