Alors qu’on valorise plus que jamais l’achat local et la consommation de la ferme à la table, La Presse reprend la route cet été pour aller à la rencontre d’artisans et de travailleurs agricoles. Dernier portrait d’une série de six, avec Marie-Thérèse Bonnichon de la ferme Au pied levé.

À notre arrivée à la ferme Au pied levé, Marie-Thérèse Bonnichon a toujours des invités dans la salle à manger vitrée de sa maison avec vue imprenable sur le mont Orford. Elle vient nous accueillir dans l’espace boutique ouvert au public.

« Nous sommes debout depuis 3 h du matin, car nous avions 220 pintades à mener à l’abattoir. Denis est toujours parti », indique-t-elle.

Marie-Thérèse Bonnichon et son mari Denis Carrier portent plusieurs casquettes. Ce sont des fermiers, plus précisément d’élevage, mais aussi les hôtes d’un gîte — de cinq chambres et un dortoir — et d’une table champêtre.

C’est sans compter que le couple prête une partie de sa terre à deux jeunes maraîchers et étudiants en agriculture.

Originaires de la Rive-Sud, les parents de cinq garçons ont cinq petits-enfants. Avant d’acheter leur terre agricole à Magog, il y a 15 ans, Marie-Thérèse travaillait comme infirmière, alors que son amoureux est un designer d’expositions, notamment pour le musée Pointe-à-Callière.

« Denis va prendre sa retraite. Cela va nous donner un peu d’air », signale Marie-Thérèse.

Disons que la « retraite » est un concept relatif pour les propriétaires d’Au pied levé. Ils sont occupés du matin au soir avec la ferme, le gîte et la cuisine. Leur fils et un homme de ménage leur viennent en aide, mais on peine à imaginer leur routine au quotidien.

Marie-Thérèse prépare les déjeuners et les soupers six services. Au lendemain de notre visite, elle devait se prévoir du temps pour couper les pintades sorties de l’abattoir.

« C’est sans fin », lance-t-elle, sans que ce soit toutefois négatif.

Marie-Thérèse dit suivre le rythme des animaux et de la ferme. « Je suis toujours dans le ici et maintenant. »

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Les vacances sont difficiles avec une ferme, donc quand tu vois le coucher du soleil, regarde-le.

Marie-Thérèse Bonnichon, propriétaire de la ferme Au pied levé

Il faut dire que la ferme et le gîte constituent un lieu magnifique. Les animaux en pâturage sont tout près. Les oies et les canards encerclent le corridor de vigne où Marie-Thérèse et Denis se réfugient pour aller prendre leur café et leur apéro en retrait des invités du gîte. « C’est notre jardin secret. »

Avoir un gîte est une sorte de vocation et un lieu où règne l’authenticité. « Nous avons un lieu qui attire des gens intéressés comme nous. Ce n’est pas un lieu de passage. Les gens s’installent et restent ici. Ils nous parlent et nous font parler. »

Des fermiers autodidactes

Vous aurez compris qu’Au pied levé est une ferme au concept assez unique.

Au départ, quand Denis et Marie-Thérèse ont acheté leur terre située sur le chemin de Fitch Bay, près du lac Lovering, ils n’avaient pas de plan précis. Ils ont pensé à cultiver du sureau, mais de la neige hâtive a fait avorter leurs plans, si bien que le couple a finalement acquis un troupeau d’une dizaine de vaches Highland.

  • Vache Highland

    PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

    Vache Highland

  • Vache Highland

    PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

    Vache Highland

  • Veau Highland

    PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

    Veau Highland

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Le tout sans formation au préalable. « C’est une vache rustique qui a des petits bébés, donc elle vêle par elle-même », précise Marie-Thérèse.

Nous élevons nos animaux selon trois critères : une bonne alimentation, aller dehors et bouger. Tout ça dicte ce que nous devons faire.

Marie-Thérèse

« On élève du veau, du porc, du chevreau, de l’oie, du canard, de la pintade, du poulet et un petit peu de dinde », détaille-t-elle. Les animaux sont en grande partie autonomes. Il faut somme toute assez peu intervenir auprès d’eux.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Jeunes oies

Depuis quatre ans, Marie-Thérèse et Denis prêtent une partie de leur terre pour un projet maraîcher. Le premier à en bénéficier a été Dominic Labelle, qui pilote aujourd’hui la renommée terre champêtre Parcelles.

Mon intérêt est de permettre aux jeunes de comprendre les différentes étapes de l’agriculture. C’est pas juste le fun. C’est beaucoup de travail et il faut apprendre beaucoup de choses comme la comptabilité.

Marie-Thérèse

Magali Thibodeau et Josué St-Roch cultivent l’espace jardin de la terre de Denis et Marie-Thérèse depuis trois ans. « L’entente est qu’on cultive leur terre et qu’on leur fournit des légumes. On en vend aussi à la boutique, explique Magali. Ce n’est pas donné, une terre agricole, donc c’est parfait pour faire nos classes. »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Magali Thibodeau et Josué St-Roch

Josué St-Roch travaillait au Manoir Hovey quand il a eu l’appel de l’agriculture. Passer des asperges du Québec à celles de l’Amérique du Sud, ce n’est pas la même fraîcheur, expose-t-il.

La période des récoltes est tellement courte dans « le local à petite échelle », renchérit Marie-Thérèse. « Quand c’est fini, c’est jusqu’à l’année prochaine ! C’est éphémère et les gens doivent comprendre ça. »

Le public doit aussi comprendre comment de petits éleveurs sont coincés entre le prix que veulent payer les consommateurs et les fournisseurs. « Il faut tirer notre épingle du jeu. Le gîte nous permet de mettre en valeur nos produits. Cela diversifie nos activités. »

Pour finir, soulignons l’une des grandes qualités de Marie-Thérèse : faire sentir aux gens qu’elle a tout son temps.