Des doses infimes de radioactivité provenant de l'accident nucléaire de Fukushima, au Japon, ont été détectées dans un saumon du lac Okanagan, en Colombie-Britannique. Les concentrations sont toutefois des milliers de fois inférieures aux niveaux qui pourraient représenter un risque accru pour la santé. Explications.

Depuis trois ans, de 300 à 400 poissons ont été analysés par l'équipe de Jay Cullen, océanographe et professeur à l'Université de Victoria, en Colombie-Britannique. « Durant cette période, nous avons pu détecter des traces de radio-isotopes artificiels comme le césium 137 - présent dans l'environnement depuis les essais nucléaires menés au siècle dernier - dans huit saumons pêchés dans le lac Okanagan en 2015. »

Il a fallu analyser à nouveau ces échantillons sans arrêt durant deux semaines avant de pouvoir déceler des traces de radioactivité au césium 134 dans un des poissons, dit M. Cullen. « Le césium 134 est en quelque sorte une "empreinte digitale" du matériel rejeté lors de l'accident de Fukushima. Bref, il était très difficile à déceler, mais nous l'avons fait. »

PAS DE RISQUES ACCRUS

Pour mettre les choses en perspective : une personne devrait manger au moins 1000 kg de ce poisson contaminé en un court laps de temps pour recevoir une dose d'exposition aux radio-isotopes équivalant à celle à laquelle on est exposé durant un vol en avion de cinq heures.

« Les niveaux sont tellement bas que ni le poisson ni un humain qui mangerait le poisson ne s'exposeraient à des risques accrus de souffrir d'un problème de santé lié à la radioactivité. » - Jay Cullen, océanographe

« Pour donner un ordre de grandeur : le gouvernement recommande de diminuer sa consommation d'un aliment lorsque la radioactivité atteint 1000 becquerels (Bq) par kilogramme. Le saumon que nous avons analysé comportait un niveau de césium 134 inférieur à 0,1 Bq par kilogramme », ajoute l'océanographe. M. Cullen remarque aussi que la radioactivité présente naturellement dans les poissons analysés était plus importante que celle provenant de sources artificielles, même si elle aussi est sans danger.

SURVEILLER LES FRUITS DE MER

M. Cullen et son équipe, qui comprend des citoyens de la Colombie-Britannique vivant près des côtes, continueront leurs recherches au moins jusqu'en 2019, par le truchement du groupe Integrated Fukushima Ocean Radionuclide Monitoring, un réseau de scientifiques qui étudient les risques potentiels liés à la présence de contaminants radioactifs de l'accident nucléaire japonais dans l'océan Pacifique en Amérique du Nord. Actuellement, ils étudient les fruits de mer le long des côtes, notamment les huîtres et les palourdes.





Photo Toru Hanai, Archives Associated Press

L'accident nucléaire de Fukushima, au Japon, est survenu le 11 mars 2011 à la suite d'un tsunami causé par un tremblement de terre. Sur la photo, un employé participe aux travaux de nettoyage, cinq ans après les faits.

Photo Diana Nethercott, fournie par Jay Cullen

L'océanographe Jay Cullen

Le pic de concentration de particules radioactives de Fukushima est attendu dans les années à venir. « D'après nos calculs, les niveaux vont rester bien en deçà du seuil où les risques pour la santé humaine augmentent. »

UN PIC DE RADIOACTIVITÉ... QUI N'EN EST PAS UN

Des médias ont récemment fait état d'une hausse dramatique de la radioactivité à la centrale nucléaire de Fukushima. Cette information venait d'une récente opération menée par l'équipe de décontamination, qui a envoyé pour la première fois une sonde robot télescopique explorer l'intérieur du réacteur numéro 2, le 30 janvier. La sonde y a mesuré une radioactivité de 530 sieverts à l'heure, une dose qui pourrait tuer une personne en quelques secondes. 

Or, il ne s'agit pas d'un « pic » de radioactivité, mais bien d'une lecture qui n'avait pas été menée depuis l'accident nucléaire du 11 mars 2011. « La radiation à cet endroit n'avait pas été mesurée, et l'on s'attendait à ce qu'elle soit extrêmement élevée », note le chercheur Azby Brow sur le site indépendant d'information Safecast. La décontamination de la centrale prendra encore des décennies et coûtera au total l'équivalent de près de 250 milliards de dollars canadiens, le double de ce qui avait été annoncé par le gouvernement japonais.