Cinq mois après son lancement, le plan de rénovation énergétique des bâtiments reste flou : Nicolas Hulot a dénoncé des moyens insuffisants lors de sa démission du gouvernement, les professionnels s'inquiètent de modalités incertaines, et le gouvernement donne peu de précisions.

« C'est évidemment un axe extrêmement important pour le gouvernement », a assuré lundi François de Rugy pendant l'un de ses premiers déplacements comme ministre de la Transition écologique et solidaire.

Le ministre, qui a succédé début septembre à Nicolas Hulot après sa démission inattendue, s'exprimait à Rosny-sous-Bois lors du lancement d'une campagne d'encouragement à la rénovation énergétique.

Elle s'inscrit dans un plan lancé par le gouvernement en avril quand M. Hulot était ministre. Il cible sept à huit millions de logements mal isolés et, donc, énergivores.

Lundi, le gouvernement a renouvelé les objectifs formulés à l'époque : rénover 500 000 logements par an avec un budget public de 14 milliards d'euros (plus de 21 milliards de dollars) sur cinq ans. M. de Rugy et Julien Denormandie, secrétaire d'État à la Cohésion des territoires, ont visité à cette occasion une copropriété de trois immeubles dont la rénovation s'est conclue l'an dernier.

Pour ses premiers jours de ministre, M. de Rugy se concentre ainsi sur un plan dont les modalités sont critiquées de différents bords, à commencer par M. Hulot lors de l'annonce de sa démission fin août sur France Inter.

« On a baissé de moitié les moyens pour pouvoir rénover les bâtiments thermiques », avait-il déclaré. « Je sais très bien [...] qu'on ne pourra pas réaliser les objectifs. »

M. Hulot n'avait pas précisé à quelle enveloppe il faisait allusion. Lundi, M. Denormandie a réitéré l'objectif global de plus 21 milliards de dollars, et une députée de la majorité, Marjolaine Meynier-Millefert, qui mène un « comité de pilotage » du plan, a expliqué que seule une petite partie était concernée.

Les propos de l'ancien ministre portaient « uniquement sur le crédit d'impôt transition énergétique (CITE), dont on entend dire effectivement que les budgets seraient réduits de moitié », a-t-elle expliqué.

Pour autant, la députée n'a, elle-même, pas caché en fin de semaine sa « frustration » dans un entretien au Monde. Elle regrette de « l'inquiétude et de l'incertitude » et ne sait « même pas de quels moyens on dispose » à deux semaines de la présentation du budget 2019.

Face à ces interrogations, le gouvernement n'a pas donné de réponse précise, préférant affirmer une ligne de sérieux budgétaire au moment où l'Institut national de la statistique et des études économiques vient de revoir en hausse le déficit public.

« Dans les limbes »

« Je ne suis pas à promettre des choses ou appeler à des choses que je sais impossibles », a déclaré M. Rugy, disant privilégier « des leviers d'actions réalistes ».

« Je ne veux pas que l'on imagine que l'écologie, c'est plus de dépenses », a-t-il ajouté, tandis que M. Denormandie prévenait que « la responsabilité [...] ne peut pas être que du côté de l'État ».

Les membres de l'exécutif n'ont pas plus donné de réponses aux professionnels du bâtiment qui marquent depuis plusieurs mois leur impatience face à des modalités qu'ils jugent floues.

« Le projet reste largement encore dans les limbes », regrettait en juillet Jacques Chanut, président de la Fédération française du bâtiment. « Il fixe des objectifs aussi connus qu'ambitieux, mais il ne donne aucune information précise à ce stade quant aux mesures publiques d'accompagnement. »

Le bâtiment s'inquiète notamment de l'avenir du CITE. Le plan prévoit de transformer l'an prochain le crédit d'impôt en prime : cela devrait le rendre plus attirant, mais les professionnels craignent que son périmètre soit réduit, ce que semblent confirmer les déclarations de Mme Meynier-Millefert.

Sur le sujet, 2019 « sera sûrement une période de transition », a éludé M. de Rugy, évoquant « une réflexion » quant à un report éventuel de sa transformation en prime.

Un autre sujet inquiète le bâtiment : la mise en place d'un « bonus malus », qui augmenterait la taxe foncière d'un logement très consommateur en énergie. Depuis que Nicolas Hulot a évoqué l'idée fin 2017, elle semble être passée au second plan, mais les professionnels souhaitent qu'elle soit définitivement enterrée.

Là encore, la ligne du gouvernement paraît floue : M. de Rugy a déclaré lundi que les choses n'étaient « pas tranchées », mais M. Denormandie a immédiatement exprimé son scepticisme quant à une écologie « punitive ».