Ils sont expert en antiquité, patron de salon de beauté ou professionnel du rodéo: des profils aux antipodes, mais qui ont en commun d'avoir été interpellés dans le cadre du plus vaste coup de filet réalisé aux États-Unis contre des trafiquants de cornes de rhinocéros.

Au total, huit arrestations ont été effectuées lors de cette opération cette année et d'autres devraient suivre, selon les enquêteurs américains.

La corne de rhino se vend au prix de l'or et ce trafic extrêmement juteux attire des contrebandiers du monde entier, expliquent les experts.

Selon eux, une corne de rhinocéros de dix kilos se négocie autour d'un demi-million de dollars au Vietnam et dans certaines parties de l'Asie du Sud-Est, où elle est parfois considérée comme un puissant aphrodisiaque ou un remède contre le cancer.

Plusieurs espèces de rhinocéros figurent parmi les animaux menacés de disparition, selon l'inventaire mondial de référence sur l'état de conservation global des espèces, la «Liste rouge» de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Au Bureau américain de la protection de la faune (FWS), la lutte contre ce trafic est une «priorité», assure Edward Grace, un responsable de ce service.

Aux États-Unis, «les intermédiaires achètent de la corne de rhinocéros à 5000 $ la livre et quand elle arrive au Vietnam, son prix a déjà grimpé à 25 000 $», explique-t-il.

Pour alimenter leur trafic, les contrebandiers présents sur le territoire américain tentent bien souvent de mettre la main sur les cornes d'animaux tués lors de parties de chasse en Afrique du Sud et ramenées aux États-Unis au cours des dernières décennies, poursuit M. Grace.

Vols dans les musées

Le trafic touche aussi l'Europe, où les vols dans les musées, maisons d'enchères et zoos connaissent une forte augmentation dans presque tous les pays du continent: l'an dernier, Europol, l'office européen de police, a signalé 74 vols de cornes et 8 vols de têtes de rhinocéros dans toute l'Europe.

«Cela a finalement concerné tellement de pays que la police irlandaise nous a contactés et nous sommes intervenus», a expliqué Soren kragh Pedersen, porte-parole d'Europol.

En juillet dernier, Europol avait lancé une alerte signalant que «des acteurs importants de ce type de criminalité ont été identifiés comme faisant partie d'un groupe criminel irlandais connu pour ses pratiques d'intimidation et sa violence».

Ce sont en effet deux Irlandais originaires de Rathkeale (Sud-Ouest de l'Irlande) qui ont attiré l'attention des enquêteurs américains en 2010.

Les deux hommes avaient été interpellés dans le Colorado après avoir payé 17 000 $ à des policiers se faisant passer pour des revendeurs pour acheter quatre cornes de rhinocéros noirs, qu'ils voulaient envoyer en Irlande dissimulées dans une cargaison de meubles.

Les deux hommes appartiennent à un gang baptisé «Rathkeale Rovers» (Les vagabonds de Rathkeale) et ils font partie de la communauté du voyage irlandaise (gitans) dont certains membres sont, selon M. Grace, très actifs dans ce trafic.

Ces deux arrestations avaient entraîné la création d'une force spéciale, qui a mené en février dernier une opération baptisée «Crash» impliquant 150 agents dans plusieurs États du pays.

Un homme d'affaires chinois avait été arrêté à Los Angeles. Il est accusé d'avoir envoyé en Chine des dizaines de cornes de rhinocéros. Une patronne vietnamienne d'un salon de manucure, d'où étaient expédiés les colis contenant les cornes de rhinocéros, avait également été arrêtée à Los Angeles.

Quelque 337 000 $ en liquide ont été saisis dans les bagages d'un cow-boy de rodéo dans un aéroport californien. Sur la côte est, un expert en antiquités a été interpellé pour avoir scié une corne de rhinocéros d'une tête d'animal empaillée sur le stationnement d'un motel, selon le FWS.

Au cours de leurs perquisitions, les policiers ont mis la main sur 37 cornes d'une valeur estimée entre 8 et 10 millions de dollars, mais aussi sur un million de dollars en argent liquide, un autre million de dollars en lingots d'or, des diamants et montres de luxe.

«C'est comme une opération visant un cartel de la drogue», souligne M. Grace. «Il y a les gros bonnets qui fournissent l'argent, les lieutenants qui font les livraisons, et les contrebandiers, on a toutes les caractéristiques du crime organisé».