La survie du tigre, splendide et redoutable, fait l'objet de sommets internationaux, mais d'autres espèces moins nobles sont en danger dans l'indifférence générale. Comme le pangolin, un étrange petit fourmilier à écailles.

La viande et les supposées vertus médicinales de cet insectivore, seul mammifère pourvu d'écaille, en font l'une des espèces les plus recherchées par les trafiquants en Asie.

«Les volumes saisis sont hallucinants. Aucune espèce ne peut survivre longtemps» dans ces conditions, assure Kanitha Krishnasamy de l'organisation de protection des espèces Traffic.

Des campagnes internationales ont été lancées pour sauver le tigre, également prisé par la médecine chinoise, notamment à l'initiative du président russe Vladimir Poutine qui a réuni en novembre treize pays abritant encore ces fauves.

«Malheureusement, le pangolin n'attire pas l'attention du public, donc par extension des autorités, car ces animaux écailleux sont considérés comme moins séduisants que les plus gros mammifères», observe Mme Krishnasamy.

Le commerce du pangolin est interdit par le droit international, mais il est largement pourchassé en Indonésie et en Malaisie pour nourrir les marchés chinois et vietnamiens, où sa viande est prisée et ses écailles réduites en poudre médicinale.

Traditionnellement, explique à l'AFP le chercheur Dan Challender, spécialiste de l'espèce, elle était utilisée dans la médecine chinoise pour de nombreux remèdes, notamment pour calmer les enfants en pleurs.

Aujourd'hui, on l'utilise plutôt contre l'asthme et certains cancers. Mais en l'absence de travaux scientifiques solides, «toutes ces utilisations semblent pour l'heure infondées», comme l'est la rumeur que sa viande est bonne pour les reins.

«Si on ne fait rien à la fois contre la demande et pour protéger les pangolins, ils vont disparaître en Asie dans un avenir proche», avertit Challender, de l'université britannique de Kent.

Deux des espèces asiatiques sont «en danger» et les deux autres sont «quasi menacées», relève l'Union internationale pour la préservation de la nature (IUCN). Le nombre de spécimens vivants est inconnu.

Deux des quatre espèces africaines sont aussi «quasi menacées», alors que des saisies suggèrent la mise au point d'un trafic vers l'Asie.

Lorsqu'il est menacé, cet animal craintif et nocturne s'enroule comme un hérisson et devient facile à attraper. Un spécimen peut être vendu jusqu'à 1000 dollars au marché noir.

Remède de médecine chinoise

«Les prix explosent», explique à l'AFP Steve Galster, directeur de la fondation contre le trafic d'animaux Freeland. «Nous sommes surpris qu'il en reste encore».

Cette année déjà, des saisies ont été faites en Thaïlande, au Cambodge, en Inde, en Malaisie, au Népal, en Birmanie, au Vietnam et en Indonésie.

Un record de 7,5 tonnes de viande de pangolin a été découvert dans un port de Jakarta en mai, cachée sous du poisson congelé dans des caisses destinées au Vietnam.

L'an passé, les autorités ont découvert qu'un groupe de trafiquants avait à lui seul tué et vendu 22.200 pangolins en quatorze mois dans l'État de Sabah, à Bornéo, dans l'est de la Malaisie, selon Traffic.

S'ils sont souvent transportés vivants pour faciliter la conservation de la viande, beaucoup meurent en chemin, de faim ou de soif. De plus, les trafiquants leur injectent souvent de l'eau pour augmenter leur poids.

Et les pauvres créatures sont entassées dans des espaces tellement étroits qu'elles se crèvent les yeux les unes les autres avec leurs griffes en tentant de fuir.

Les experts préviennent que leur disparition modifiera l'écosystème des forêts tropicales, en augmentant les populations de fourmis et de termites.

Mais les gouvernements asiatiques rechignent à s'attaquer aux «grandes mafias, aux trafiquants qui ont des relations», et gagnent parfois des millions de dollars, relève Steve Galster.

Les lois sont insuffisantes et, selon lui, les magistrats ne prennent pas le sujet au sérieux. «On a vu tellement de trafiquants s'en sortir avec une claque sur la main, ou rien du tout».