Le Japon, principal consommateur de thon rouge de l'Atlantique, a prévenu jeudi qu'il s'opposerait à l'interdiction du commerce de cette espèce demandée par les États-Unis et l'Union européenne, lors d'une réunion internationale qui s'ouvre samedi à Doha.

«L'objectif de la Convention de Washington (ou CITES) est de protéger les espèces en danger et d'empêcher leur extinction, mais je ne pense pas que le thon rouge entre dans cette catégorie», a déclaré le porte-parole du gouvernement japonais Hirofumi Hirano.

La CITES, une organisation de 175 membres affiliée à l'ONU chargée de la protection des espèces en danger, se penchera sur une éventuelle proscription du commerce du thon rouge de l'Atlantique et de la Méditerranée lors de sa convention (13 au 25 mars), à la suite d'une proposition de Monaco qui met en exergue une réduction des stocks de 82% dans l'Atlantique Ouest depuis 1970.

«Le Japon réaffirmera sa position, selon laquelle c'est un contrôle des ressources qui doit être mis en place» au lieu d'une suspension du commerce, a ajouté M. Hirano.

Les autorités nippones ont prévenu qu'elles déposeraient une «réserve» si l'interdiction était votée, ce qui lui permettrait en pratique de continuer de pêcher.

La pression est montée sur Tokyo après la décision, mercredi, de l'Union européenne (UE) de soutenir la proposition monégasque, une semaine après une annonce similaire des États-Unis.

L'archipel consomme les trois-quarts du thon rouge pêché dans le monde, dont les Japonais apprécient la chair crue en sushi ou sashimi. Il ne s'approvisionne toutefois pas uniquement dans l'Atlantique et pêche davantage dans l'Océan Pacifique (25 000 tonnes contre 19 000 tonnes par an).

En outre, le thon rouge n'est qu'une espèce, la plus prisée, parmi les différents types de thons et au final, le thon rouge de l'Atlantique ne représente qu'environ 10% de la viande de thon consommée dans l'archipel, selon les experts.

Les professionnels du secteur craignent toutefois qu'une interdiction du thon rouge de l'Atlantique ne s'étende ensuite aux autres océans et espèces. Plusieurs dizaines de négociants ont manifesté, poings levés, dans la matinée à Tsukiji, le plus grand marché aux poissons du monde situé sur la baie de Tokyo.

«L'impact ne sera pas très important pour l'alimentation des Japonais. Mais nous sommes inquiets que cette décision ne s'étende au thon albacore et au thon ventru, les plus consommés au Japon», a expliqué Tadao Ban, président de l'association des négociants en thon du marché de Tsukiji.

Au lieu de proscrire le commerce du thon rouge, M. Ban a plaidé pour «une interdiction de la surpêche et des prises accidentelles de thons occasionnées par les gros navires équipés de filets maillants encerclants, utilisés notamment par les Chinois et les Taïwanais».

«Les Européens et les Américains doivent savoir que le thon en boîte qu'ils mangent tous les jours provient de la surpêche réalisée avec ces filets utilisés pour attraper la bonite. De 20 à 30% de leurs prises seraient constituées de jeunes thons» qui devraient être épargnés pour préserver l'espèce, a-t-il ajouté.

Les autorités japonaises mettent en avant qu'elles se sont associées en novembre à la décision de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique de réduire les prises autorisées de 22 000 tonnes en 2009 à 13 500 tonnes en 2010.