Une forêt de trembles ici, une colline verdoyante là-bas, un milieu humide, un étang, des bisons qui se roulent dans la boue. La scène semble banale. Jusqu'à ce que l'on précise que tout dans ce paysage, absolument tout, a été dessiné puis façonné par l'homme.

Ayant l'obligation de remettre les terres exploitées dans leur état initial, les pétrolières doivent en effet se prendre pour Dieu lorsqu'elles ont terminé leur travail d'extraction. Les mines à ciel ouvert et les bassins de décantation doivent ainsi retrouver leur aspect bucolique... ou quelque chose qui s'y apparente.

«Nous ne pourrons faire exactement comme Dame nature, mais nous allons remettre le territoire sur la trajectoire de Dame nature», nous assure Steven Gaudet, de l'entreprise Syncrude.

Appelée Gateway Hill, cette terre que nous foulons est de petite dimension (4 km2). C'est la seule de toute la province qui jouit d'un certificat de restauration. Pour les pétrolières, il s'agit d'une réussite prouvant leur capacité à effacer leurs traces. Tandis que pour les écolos, il s'agit d'un coup de marketing, une esbroufe qui ne prouve absolument rien.

«C'est comme si on rasait le Vieux-Montréal, puis qu'on remplaçait le tout par d'énormes centres commerciaux de banlieue, ironise Matt Price, d'Environmental Defence. L'écosystème est perdu à jamais.»

L'écologiste donne pour exemple la qualité des arbres, de nouvelles espèces qui doivent être tolérantes au sel, et la qualité de l'humus, beaucoup plus pauvre, sec et compact que celui qu'il remplace.

On en veut aussi aux pétrolières de prendre ce petit bout de terrain pour en faire un modèle, car il ne s'agit nullement d'une ancienne mine ou d'un bassin de boues toxiques. Il s'agit plutôt du lieu où avaient été déposés la terre, les arbres et la tourbière de graminées arrachées en vue de l'extraction.

«Il n'y a qu'un certificat après 40 ans d'exploitation. Et il a été accordé pour le terrain le plus facile à verdir!» s'exclame Mike Hudema, de Greenpeace.

Mais les pétrolières n'en démordent pas : «Quinze ans après avoir exploité un site, on commence à replanter, explique Janet Annesley, de Shell. Il faut environ 30 ans pour que le tout redevienne comme c'était avant. D'ailleurs, nous sommes en discussion pour faire certifier d'autres terrains.»