Deux mois avant la conférence de Paris sur le climat, l'Organisation des Nations unies (ONU) a dévoilé cette semaine une nouvelle ébauche de l'accord qui servira de base aux négociations. Le document réitère l'urgence de maintenir le réchauffement climatique au-dessous de 2 degrés, mais reste encore bien flou sur plusieurs points.

Le document

Publié par la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), le document dévoilé cette semaine est un cadre préétabli dans lequel les États membres formuleront ensuite plus clairement leurs obligations en matière de changements climatiques. L'accord qu'on espère signer à Paris mettra sur papier les engagements des États à partir de 2020. Une fois signé et ratifié, cet accord deviendra un instrument juridique. L'échec du protocole de Kyoto et des négociations de la dernière conférence des parties de Durban, en 2011, a braqué les regards sur Paris afin de concrétiser un accord qui limitera le réchauffement de la planète. Les deux auteurs, Ahmed Djoghlaf et Dan Reifsnyder, ont condensé le cadre des négociations en 20 pages.

Cibles

Le document dévoilé cette semaine impose un objectif ambitieux pour Paris en stipulant d'emblée que la hausse des températures ne doit pas dépasser 2 °C. Selon Catherine Potvin, professeure au département de biologie de l'Université McGill et instigatrice de Dialogues pour un Canada vert, limiter le réchauffement à 2 °C est «extrêmement optimiste». Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a publié quatre scénarios sur le sujet, dont le plus réaliste fait état d'une augmentation de 3 à 3,5 degrés, ajoute Mme Potvin. Pour le moment, dit-elle, la planète se dirige vers un réchauffement de 4 °C, ce qui risque d'être catastrophique. Les parties devront s'entendre sur une date cible, toujours inconnue, à laquelle ils devront atteindre leurs objectifs. Mise à part la hausse des températures, l'ébauche ne cite aucune autre cible environnementale.

Parenthèses

Le constat est clair: le document regorge de parenthèses, qui sont là pour indiquer les éléments encore incertains qui doivent être négociés. «Le nombre important de parenthèses indique qu'il y a de la discorde», précise Catherine Potvin. Les négociateurs ne peuvent prendre des décisions s'il y a trop de mots entre crochets, explique-t-elle. À titre d'exemple, des mots tels que «doit/devrait ou autre» précèdent les engagements énoncés dans cette ébauche d'accord. Cela indique que les États ne s'entendent pas sur le caractère contraignant des articles présentés. «Sur le plan du droit, ces termes n'ont pas du tout la même portée juridique. Il importe de les préciser», explique M. Jodoin. La prochaine et dernière rencontre préalable à la Conférence des parties, qui aura lieu à Bonn, en Allemagne, ce mois-ci, servira à préciser ces termes et à finaliser l'ébauche de l'accord. 

Financement

Le document révèle qu'un fonds d'au moins 100 milliards sera débloqué afin de soutenir les États signataires. «À l'échelle planétaire, cela m'apparaît peu pour le moment», note Sébastien Jodoin, professeur en droit à l'Université McGill. Il stipule qu'il a été démontré que quelques dizaines de milliards étaient nécessaires afin de conserver seulement les forêts. «Les grands émetteurs seront les plus gros joueurs», affirme

M. Jodoin. Ce sont eux qui devront consacrer la plus grande part de leur budget à la lutte contre les changements climatiques et ils devront aussi débourser de l'argent afin d'aider les pays en développement. Par contre, la question demeure à savoir d'où l'argent proviendra afin de mettre sur pied ce fonds. L'ébauche stipule seulement qu'il y aura des sources de financement publiques et privées. Selon M. Jodoin, il s'agit d'un point névralgique. 

Sanctions

Aucune sanction n'a encore été établie si un État ne respecte pas ses engagements. Pour Sébastien Jodoin, le document présente plusieurs éléments qui font en sorte que l'accord pourrait être assez souple. Il donne l'exemple du protocole de Kyoto, duquel le Canada s'est retiré en 2011, et dont la sanction était de se procurer des crédits de carbone. «Avec ce type de sanction, les États peuvent facilement se retirer», souligne M. Jodoin. «Nous nous attendons à ce que cet accord soit plus rigide que les précédents, ajoute-t-il toutefois. Avec la Chine et l'Inde qui sont maintenant considérées comme de grands émetteurs et non plus comme des pays en développement, cet accord revêt une importance cruciale.»