Il n'est pas question que le Québec parte en guerre contre l'Alberta, prévient le ministre des Affaires intergouvernementales, Claude Béchard, malgré sa propension à générer d'énormes quantités de gaz à effet de serre.

Lors d'une entrevue à La Presse Canadienne, mardi, sa première dans ses nouvelles fonctions, le ministre a pris clairement ses distances de plusieurs groupes écologistes qui l'exhortaient récemment à dénoncer publiquement l'exploitation des sables bitumineux en Alberta, cause importante de l'augmentation des gaz à effet de serre (GES) au Canada, avec la complicité d'Ottawa.

Ces groupes, dont Greenpeace, Nature Québec, la Fondation David Suzuki et Équiterre, disaient souhaiter, dans une lettre ouverte expédiée aux médias en début de semaine, que le Québec profite de la réunion annuelle du Conseil de la fédération, cette semaine à Régina, pour faire adopter par les provinces une position forte en matière de lutte aux changements climatiques, qui incluerait une réduction sensible des GES.

Mais le ministre Béchard fait valoir que l'Alberta a fait beaucoup d'efforts et déjà investi beaucoup d'argent pour améliorer son bilan environnemental. Il ne servirait à rien d'isoler une province, selon lui, sous prétexte d'accentuer la pression.

«On ne veut pas partir en guerre. Il n'y a pas de frontière en environnement. Cela ne donne rien d'isoler une province», soutient le ministre, convaincu que l'important pour les provinces est de développer l'objectif commun d'améliorer constamment leur bilan environnemental.

En prévision de la conférence de Copenhague, en décembre, au cours de laquelle les pays doivent fixer de nouvelles cibles de réduction des gaz à effet de serre, le Québec est cependant soucieux que le Canada sauve la face.

«On ne peut pas se permettre comme pays d'être les derniers de classe au niveau des changements climatiques et ainsi prêter flanc à toutes sortes de critiques au niveau international», assure-t-il.

Les groupes écologistes souhaitent que les provinces s'engagent, dès cette semaine, à réduire d'au moins 25 pour cent leurs émissions de GES d'ici 2020, par rapport aux niveaux de 1990. On espère ainsi accentuer la pression sur Ottawa.

Le Québec est à préciser sa position à ce propos, et «on devrait être prêt et assez ambitieux pour Copenhague», promet M. Béchard. Le premier ministre Jean Charest a déjà indiqué qu'il assistera à la conférence pour faire valoir la position du Québec.

Dans les prochains mois, le plus important pour le Québec, dit M. Béchard, sera de convaincre le gouvernement fédéral de consulter les provinces sur la position canadienne qui sera défendue à Copenhague.

«Il est clair que cette position-là ne peut pas s'élaborer sans la participation des provinces, sans la participation du Québec. Il faut que la position du fédéral reflète ce que les provinces ont à dire», a-t-il plaidé.

Sans position «ambitieuse» quant aux futures cibles de réduction de GES, le Canada - dont le Québec - risque de faire l'objet de «représailles» sur le plan économique ou commercial, craint M. Béchard.

De leur côté, les groupes écologistes craignent que les efforts entrepris jusqu'à maintenant par le Québec - et d'autres provinces comme l'Ontario et la Colombie-Britannique - en matière de lutte aux changements climatiques soient anéantis par l'appui d'Ottawa à l'industrie des sables bitumineux de l'Alberta, «l'une des plus polluantes au monde».

La rencontre annuelle du Conseil de la fédération doit également aborder d'autres thèmes, dont la crise économique et les dossiers autochtones.

Les provinces auront l'occasion de faire le point sur les mesures de relance de l'économie adoptées par Ottawa, de même que sur les mesures à prendre pour contrer le protectionnisme américain et le «Buy American Act», qui fait en sorte que les entreprises canadiennes sont exclues des appels d'offres pour les projets d'infrastructures des États américains et des municipalités.

«Ce qu'on veut, c'est indiquer clairement le consensus des provinces au gouvernement fédéral sur cette position et l'appuyer dans les discussions à avoir avec l'administration américaine», dit M. Béchard.