Le gouvernement Legault va forcer un recentrage du Fonds vert, mettant fin au « saupoudrage » qui, depuis 2006, s'est avéré inefficace. Pas question, toutefois, de faire table rase d'un programme qui finance beaucoup de projets de transports en commun.

Dans les officines à Québec, on croit qu'il vaut mieux financer quelques mesures structurantes que maintenir une foule de projets dont les résultats sont difficiles à apprécier. Pas de décision dans les prochains jours, mais le recentrage est sur la table de travail de Québec pour 2019. Car c'est une chose que de dire qu'on veut changer les choses. C'en est une tout autre que de proposer des solutions de rechange.

Le budget initial de 2,6 milliards a grimpé à 4 milliards, une augmentation de 40 %. Mais l'efficacité, elle, n'a fait que décroître.

Les 183 programmes financés par le Fonds vert devaient à l'origine entraîner une baisse des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 6 mégatonnes d'ici 2020. Or, selon un rapport remis à la ministre libérale de l'Environnement, Isabelle Melançon, en août dernier, leur effet serait nettement moindre : 3,6 mégatonnes.

DES PROGRAMMES À ARRÊTER « DÈS MAINTENANT »

Dans son rapport, le Conseil de gestion du Fonds vert estime que 32 « actions » financées par le Fonds devraient « être arrêtées dès maintenant, car jugées non optimales, sur le plan du rendement, non pertinentes ou injustifiées » (voir texte ci-contre).

Le solde qui reste dans ces enveloppes, 108 millions, devrait être aiguillé vers d'autres programmes. Seules 55 des 183 actions du fonds « sont à maintenir » ; dans 28 cas, une réévaluation « à brève échéance » s'impose. Pour 44 projets, on manque d'informations pour même formuler une recommandation.

Quand on ratisse les enveloppes non utilisées, on met au jour un pactole pouvant atteindre 543 millions qui « pourraient être mis en disponibilité pour une réallocation budgétaire ».

Les frais d'administration des projets atteignent 29 millions sur 564 millions de subventions - ces 5,1 % représentent une hausse de 2 % par rapport à 2016. En juin, le Conseil de gestion du Fonds vert a confié à la vérificatrice générale, Guylaine Leclerc, le mandat d'« évaluer la pertinence des dépenses » liées à la gestion des fonds.

Le rapport recommande aussi de « regrouper les actions dont les objectifs sont similaires ». On observe par exemple que Transition énergétique Québec (TEQ) a lancé pas moins de six projets disparates visant tous le déploiement de bornes de recharge pour les automobiles. Le même organisme a un programme pour favoriser le chauffage « vert », créneau occupé par le ministère des Finances, qui propose un crédit d'impôt. La Régie du bâtiment est en porte-à-faux avec plusieurs initiatives du ministère des Forêts et de TEQ visant à favoriser l'utilisation du bois dans la construction et une révision « verte » du Code de la construction.

« DÉFI COLOSSAL »

Le Québec s'est engagé à réduire d'ici 2020 ses émissions de GES de 20 % par rapport au niveau de 1990. Tout indique que cette cible est hors de portée : il faudrait réduire les émissions de 9 mégatonnes (plus de 10 %) en deux ans pour l'atteindre. Le rapport décrit l'atteinte des objectifs climatiques du Québec comme un « défi colossal ».

Le Fonds vert se finance à même les recettes du marché du carbone. Comme les distributeurs de carburant doivent y contribuer, leur partie de la note est payée par les automobilistes.

Dans l'administration publique, la rumeur court que le Fonds pourrait être intégré au ministère de l'Environnement - le ministère de l'Énergie avait avalé de la même manière l'Agence d'efficacité énergétique il y a quelques années. Plus récemment, la Culture a repris les responsabilités de la Régie du cinéma.

Dans son premier point de presse, la ministre de l'Environnement, MarieChantal Chassé, avait cependant laissé entrevoir un autre scénario.

« Nous avons donc l'intention de conserver le marché du carbone et le Fonds vert. J'ai l'intention de revoir le fonctionnement du Fonds vert pour m'assurer que les résultats sont au rendez-vous, mesurables, avec des indicateurs de performance. »

- MarieChantal Chassé

« Le Fonds vert finance des projets. Nous allons nous assurer de mesurer l'efficacité de ces projets », avait-elle poursuivi.

Sylvie Chagnon, présidente-directrice générale du Fonds vert, a rencontré la ministre MarieChantal Chassé mardi. Elle a vu son conseil d'administration le lendemain. À Québec, il n'est pas question de rebattre les cartes à la direction. La nomination de Mme Chagnon est plutôt récente et elle-même a été fort critique sur l'efficacité du programme qu'on lui a confié.

Depuis sa création, le Fonds vert a été sollicité par une foule de ministères et d'organismes pour des projets dont les objectifs avaient souvent peu à voir avec la réduction des GES. Dans une de ses premières interventions à titre de premier ministre, François Legault avait durement critiqué le fonds, décrit comme une enveloppe où les ministères venaient « piger » pour leurs propres projets.

- Avec la collaboration de Martin Croteau et de Tommy Chouinard, La Presse

Photo David Boily, Archives La Presse

MarieChantal Chassé, ministre de l'Environnement

CINQ PROGRAMMES QUI DEVRAIENT ÊTRE STOPPÉS « DÈS MAINTENANT »

Dans un rapport remis au gouvernement en août, le Conseil de gestion du Fonds vert a recommandé de stopper 32 des 183 programmes financés par le Fonds. En voici cinq.

SENSIBILISATION AUX ENJEUX DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET PROMOTION DES INITIATIVES GOUVERNEMENTALES

BUDGET : 16,8 millions

DÉPENSÉ : 1,2 million

CIBLE DE RÉDUCTION DE GES : Aucune

MINISTÈRE RESPONSABLE : Environnement

OBJECTIF : Financer des activités de communication pour sensibiliser la population aux changements climatiques et pour faire la promotion des initiatives du gouvernement. Ce programme a payé la campagne « Faisons-le pour eux » en 2015.

PROJET DE DÉMONSTRATION D'AUTOBUS ÉLECTRIQUES CITÉ MOBILITÉ

BUDGET : 11,9 millions

DÉPENSÉ : 8,2 millions

CIBLE DE RÉDUCTION DE GES : Aucune

MINISTÈRE RESPONSABLE : Transports

OBJECTIF : Aide financière au projet de démonstration Cité Mobilité par la Société de transport de Montréal. La STM acquiert et évalue la performance de trois autobus électriques sur une période de trois ans.

PROGRAMMATION DE RECHERCHE

BUDGET : 11,6 millions

DÉPENSÉ : 7 millions

CIBLE DE RÉDUCTION DE GES : Aucune

MINISTÈRE RESPONSABLE : Environnement

OBJECTIF : Financement de 47 projets de recherche du consortium Ouranos pour développer les connaissances sur l'adaptation aux changements climatiques. Les projets touchent la gestion de l'eau, l'énergie, l'environnement maritime, la pêche et l'agriculture.

PROJETS PILOTES EN ÉLECTRIFICATION DES TRANSPORTS

BUDGET : 4,6 millions

DÉPENSÉ : 2,6 millions

CIBLE DE RÉDUCTION DE GES : Aucune

ORGANISME RESPONSABLE : Transition énergétique Québec

OBJECTIF : Financement d'un projet de démonstration des autobus scolaires électriques et d'une étude de l'Institut de recherche d'Hydro-Québec sur l'échange d'énergie.

VÉHICULES À ÉMISSION ZÉRO

BUDGET : 3 millions

DÉPENSÉ : 277 000 $

CIBLE DE RÉDUCTION DE GES : Aucune

MINISTÈRE RESPONSABLE : Environnement

OBJECTIF : Mise en oeuvre d'une norme zéro émission. Le budget permet de financer le personnel nécessaire à la gestion de la norme, l'achat de données, les activités de communications et un projet informatique.