Un rapport scientifique sur les changements climatiques divulgué à un quotidien américain une semaine avant le début des négociations de l'ALÉNA pourrait donner des munitions au Canada, qui souhaiterait inscrire dans l'accord commercial continental certaines mesures d'atténuation environnementale.

Ce coup de pouce sera utile pour autant que le président Donald Trump acceptera les prémisses du rapport, et admette que les changements climatiques existent bel et bien, qu'ils sont causés par l'activité humaine et sont en partie responsables de certains événements météorologiques extrêmes.

Le rapport sur les changements climatiques et leurs effets aux États-Unis a été rédigé par des scientifiques de 13 agences fédérales américaines, mais il n'a pas encore été approuvé par la Maison-Blanche.

Les scientifiques en ont divulgué les grandes lignes au New York Times de crainte que le président américain refuse de le publier, lui qui qualifie de «supercherie» tout le concept des changements climatiques.

Le premier ministre Justin Trudeau a précisé la semaine dernière que le Canada souhaitait inscrire dans l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) les changements climatiques, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l'économie à faible production de carbone.

Les négociations pour le renouvellement de l'accord commercial conclu il y a 23 ans doivent débuter dans une semaine à Washington.

«Il est clair que nous souhaitons des conditions de concurrence plus égale en Amérique du Nord concernant la protection de l'environnement», précisait M. Trudeau la semaine dernière. Mais à Washington, le président Trump a annoncé le retrait américain de l'accord de Paris sur le climat, et il a promis une renaissance de l'industrie du charbon aux États-Unis. Même l'inclusion du terme «changements climatiques» dans l'ALÉNA risque d'être ardue.

S'inspirer des autres accords

Un responsable canadien qui préfère garder l'anonymat indiquait la semaine dernière qu'Ottawa voudra utiliser comme base de référence pour les questions environnementales le récent Accord économique et commercial global (AÉCG), conclu avec l'Union européenne. La ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, aussi responsable du commerce canado-américain au cabinet, a qualifié cet accord d'étalon de référence pour les questions environnementales.

Par contre, plusieurs experts du commerce international croient qu'en matière d'environnement, Washington mettra plutôt de l'avant le défunt Partenariat transpacifique - qui ne faisait aucune allusion aux changements climatiques.

Le nouveau rapport scientifique américain donnera cependant des munitions aux Canadiens, si Washington accepte de l'endosser. Le rapport a été réalisé dans le cadre de l'Évaluation nationale sur les changements climatiques, qui doit être menée tous les quatre ans aux États-Unis en vertu de la Loi sur la recherche relative aux changements mondiaux, adoptée il y a plus de 25 ans.

Si le Canada réussissait à inscrire les changements climatiques dans l'ALÉNA, il pourrait plus facilement ensuite militer en faveur de l'imposition d'un juste prix pour le carbone dans toute l'Amérique du Nord, ce qui équilibrerait les avantages concurrentiels des entreprises dans les trois pays signataires. Certains Canadiens exigent même que l'ALÉNA prévoie une taxe sur le carbone imposée à la frontière aux produits américains importés d'États qui n'auraient pas mis en place une telle écofiscalité.

L'AÉCG prévoit qu'une entreprise ne peut réclamer des indemnités si elle estime que des mesures environnementales d'un État nuisent à ses affaires. En vertu de l'ALÉNA, le Canada a d'ailleurs dû verser des millions de dollars en indemnités pour ces motifs.

Par contre, le Partenariat transpacifique prévoit de son côté qu'un État peut suspendre les avantages commerciaux d'un partenaire qui ne respecterait pas ses obligations environnementales.

Là où le Canada et les États-Unis s'entendent, c'est sur le principe d'inclure le chapitre sur l'environnement dans l'accord général de l'ALÉNA - il fait partie actuellement d'une annexe. Cela permettrait de soumettre les litiges sur l'environnement au mécanisme général de règlement des différends (le fameux «chapitre 19»).