Une réforme environnementale adoptée l'an dernier par le gouvernement Harper est entrée en vigueur juste à temps pour éviter à Enbridge de demander l'aval de Transports Canada pour construire un pipeline qui traverse une rivière albertaine.

Enbridge souhaite bâtir un oléoduc entre Edmonton et Hardisty, en Alberta. Cette même entreprise projette en parallèle d'inverser le flux d'un pipeline reliant North Westover, en Ontario, et Montréal.

S'il est construit, l'oléoduc albertain traversera quatre cours d'eau dont un, la rivière Battle, est considéré comme une voie navigable.

En vertu de l'ancienne Loi sur la protection des eaux navigables, Enbridge aurait dû démontrer à Transports Canada que son projet est sans danger pour les rivières et les lacs où l'on pratique la navigation.

Or, dans une lettre datant du 10 juillet, Transports Canada révèle que l'entreprise n'a plus besoin d'obtenir son autorisation depuis le 2 juillet. C'est désormais l'Office national de l'énergie (ONE), organisme réglementaire qui pilote les audiences publiques sur le projet, qui décidera si l'oléoduc constitue un risque pour la rivière Battle.

Ce changement découle de l'adoption du mégaprojet de loi sur la mise en oeuvre du budget, l'automne dernier. La réforme entre en vigueur au moment où l'oléoduc d'Enbridge fait l'objet d'une évaluation de l'ONE.

«À ce jour, une application formelle concernant la traversée de la rivière Battle n'a pas été reçue par [le Ministère] et toute préoccupation ou recommandation associée à la traversée de ce cours d'eau ne peut être déterminée», écrit Transports Canada.

L'ONE a confirmé hier qu'il étudiera la traversée de la Battle dans le cadre de son évaluation globale du projet Enbridge. Cependant, il n'effectuera pas d'examen distinct comme en faisait autrefois Transports Canada.

Le gouvernement Harper a argué l'an dernier que sa réforme permettrait d'élaguer le processus d'évaluation environnementale sans en compromettre la rigueur.

L'opposition l'a au contraire accusé de vouloir piper les dés au profit de l'industrie pétrolière. Selon la critique du Nouveau Parti démocratique en matière d'environnement, Megan Leslie, la lettre de Transports Canada illustre parfaitement la volonté des conservateurs.

«Il ne s'agit pas de réduire le nombre d'obstacles, il s'agit d'éliminer l'évaluation environnementale, dénonce-t-elle. On voit qu'Enbridge profite de ces changements dans l'immédiat, et les projets qui seront étudiés à l'avenir ne feront pas l'objet d'une évaluation environnementale du même niveau.»

Même rigueur

Transports Canada assure qu'elle prêtera main-forte à l'ONE pour les évaluations complexes en mettant son expertise à sa disposition.

«Dans le cas des projets de pipelines et de lignes de transport d'électricité qui traversent des eaux navigables, l'Office national de l'énergie tiendra compte de la navigation et de la sécurité de la navigation avec la même rigueur que Transports Canada», a affirmé la porte-parole du Ministère, Maryse Durette.

L'industrie des pipelines a fait pression sur Ottawa, en 2011, pour obtenir la modification de la Loi sur la protection des eaux navigables. L'Association canadienne des pipelines d'énergie s'était appliquée à convaincre des hauts fonctionnaires de modifier la loi et de raccourcir le processus d'évaluation environnementale, selon des documents obtenus par Greenpeace.

«Le gouvernement fédéral a affaibli les lois environnementales pour faciliter l'approbation des pipelines pour les compagnies pétrolières, estime le porte-parole de Greenpeace, Keith Stewart. Mais cela ne les rendra pas plus acceptables pour les communautés qui vivront avec les risques.»