La renaissance du nucléaire évoqué aux États-Unis dans les années 2000 a avorté avant le désastre de Fukushima au Japon en 2011 sous l'envolée des coûts de construction des réacteurs et la concurrence d'autres sources d'énergie bon marché comme surtout le gaz naturel, expliquent des experts américains.

«Même avant Fukushima, la renaissance de l'énergie nucléaire ne s'est pas matérialisée», constate Peter Bradford, ancien membre de la Commission américaine de réglementation nucléaire (Nuclear Regulatory Commission ou NRC).

En 2008, on comptait 31 demandes d'autorisation auprès de la NRC pour la construction de nouveaux réacteurs et aujourd'hui il ne reste plus que deux projets, dont un Géorgie (sud), qui devraient aboutir, précise à l'AFP ce professeur à la faculté de droit du Vermont.

«L'estimation du coût a doublé et parfois triplé depuis qu'on a commencé à parler de renaissance du nucléaire en 2001» avec l'administration de George W. Bush, comme moyen de réduire la dépendance énergétique américaine de l'étranger.

Outre ce facteur, «les bas prix du gaz naturel et l'absence d'une politique fédérale visant à créer un marché pour les émissions de gaz carbonique» afin de lutter contre le réchauffement climatique, ont aussi fortement contribué à rendre le nucléaire moins attrayant, note Peter Bradford.

Concernant les coûts de construction d'un réacteur, «le montant peut désormais approcher les neuf milliards de dollars», selon David Lochbaum, un expert de l'«Union of Concerned Scientists», groupe de recherche indépendant.

La construction d'une centrale électrique de mille mégawatts au gaz naturel peut être construite en quelques années pour un coût maximum d'un milliard de dollars.

En comparaison, une centrale nucléaire de même capacité nécessite plus de temps pour sa construction et revient à plus de cinq milliards de dollars.

Cette envolée des coûts s'explique par la très forte augmentation du prix du béton depuis cinq ans, précise à l'AFP David Lochbaum. Le béton compte pour 65% du prix de construction d'un réacteur nucléaire, dit-il.

Cette forte hausse résulte d'une demande accrue de ce matériau pour construire des autoroutes et des importants besoins de reconstruction après l'ouragan Katrina en 2005, indique cet expert.

Selon lui, l'accroissement des coûts résultant de mesures supplémentaires de sécurité à la suite de Fukushima «est relativement modeste comparativement à la hausse du béton».

Mais observe Peter Bradford, «la nette baisse du soutien dans le public américain après Fukushima» pour le nucléaire est aussi un obstacle important à l'expansion du secteur.

«Cela rend plus difficiles les efforts de l'industrie pour obtenir des subventions publiques surtout dans un contexte d'incertitude économique et de déficit budgétaire».

Malgré ce contexte défavorable, l'industrie nucléaire continue à croire en son avenir, encouragée par l'approbation le 22 décembre par la Commission de réglementation (NRC) du dernier modèle du réacteur (AP1000) de la firme Westinghouse Electric.

«L'AP1000 offre de plus grandes marges de sécurité....», avait insisté Gregory Jacsko, président du NRC en annonçant cette décision.

La prochaine étape sera le feu vert final à la construction de deux de ces réacteurs en Georgie et deux en Caroline du Sud, pour la première fois depuis l'accident de Three Mile Island (Pennsylvanie) en 1979. Les deux premiers devraient fonctionner dès 2016.

Mais «la véritable renaissance» dans le nucléaire est la prolongation de 40 à 60 ans des années de fonctionnement maximum des réacteurs existants dont 70% des 104 que comptent les États-Unis ont déjà obtenu l'autorisation de la NRC, souligne David Lochbaum.

C'est l'équivalent d'avoir construit de 12 à 15 nouveaux réacteurs depuis vingt ans, estime Peter Bradford, permettant au nucléaire de continuer à satisfaire 20% des besoins grandissants du pays en électricité.