C'est un robot qui change la batterie de la voiture. Elle bouclera ensuite un tour sur la piste d'essai. La scène est devenue quotidienne au siège de «Better Place», une société basée près de Tel-Aviv qui entend conquérir le marché israélien des véhicules électriques.

Son PDG, l'Israélo-Américain Shaï Agassi, espère ainsi en finir d'ici dix ans avec la dépendance d'Israël vis-à-vis du pétrole.

«Nous n'avons pas décidé de changer le monde mais d'agir pour qu'il soit plus vivable, et seule la voiture électrique peut permettre à notre pays et au monde de supprimer la dépendance au pétrole», dit-il à l'AFP.

Une ombre imprévue est toutefois apparue: son principal partenaire, le constructeur français Renault, qui fournit les véhicules, s'est dit la cible d'une affaire d'espionnage industriel touchant précisément son projet de voitures électriques.

Mais M. Agassi, 43 ans, qui refuse de faire le moindre commentaire sur cette affaire, reste optimiste.

L'ex-"wonder boy» de la Silicon Valley, millionnaire et ancien N°2 de SAP, le géant allemand du prologiciel de gestion des entreprises, a découvert le secret du succès pour la voiture électrique en mettant à la disposition des acheteurs une batterie rapidement rechargeable ou facilement remplaçable.

«Pour être réussie, la voiture doit être pratique d'usage», explique-t-il. Il a donc imaginé la mise en place en Israël d'un réseau national de bornes où les batteries sont rechargées ou bien remplacées par des robots. M. Agassi a des projets similaires au Danemark, en Australie, au Canada et à Hawaï.

Au centre d'essais de Better Place, une voiture se présente sur des rails, comme pour un lavage automatique, un robot glisse sous le véhicule enlevant la batterie vide de 200 kilos et la remplace par une neuve en une minute.

Le mécanisme est le même que celui utilisé par les chasseurs F-16 de l'armée de l'air israélienne pour embarquer et larguer leurs bombes, explique un guide.

«C'est très agréable à conduire, et sans vibrations», assure Haïm Lotem, un curieux venu tester un futur achat.

Selon Shaï Agassi, d'ici fin 2011, la première Renault Fluence ZE (Zéro Émission - de carbone) commencera à rouler en Israël, sur une flotte prévue de 100.000 modèles.

Déjà 10 000 visiteurs du centre d'essai, sur 50 000, ont déjà passé commande et 150 grandes sociétés israéliennes ont décidé d'équiper une partie de leur personnel de Renault Fluence.

«La première année, nous allons vérifier comment le système fonctionne avec 5 000 voitures. L'année suivante, nous passerons à 20 000», précise M. Agassi.

Selon lui, les économies d'essence emporteront l'adhésion et, d'ici 2015, les voitures électriques représenteront la moitié du kilométrage effectué en Israël.

Son optimisme ne fait pas l'unanimité. Certains doutent que la Compagnie nationale d'électricité d'Israël puisse fournir l'énergie requise pour chaque véhicule, qui équivaut à la consommation moyenne d'un logement.

«Pour produire ce surcroît d'électricité, Israël va devoir brûler du pétrole, du gaz ou du charbon», relève Paul Rivlin, expert de l'énergie au Centre Dayan de l'Université de Tel-Aviv. Autant dire que les effets bénéfiques de la voiture électrique sur l'environnement ne sont pas évidents.

M. Agassi balaie ces arguments en affirmant que son futur parc de deux millions de voitures sera relié à un système informatique permettant le rechargement simultané des batteries «sans qu'il soit nécessaire d'ajouter le moindre générateur».

Il souligne en outre que la plupart des utilisateurs rechargeront les batteries de nuit, lorsque la consommation est faible.

Malgré ses réserves, M. Rivlin lui-même veut croire au modèle Better Place. «Si ça marche en Israël, ce sera un stimulant capital pour les États-Unis et la Chine», prédit-il.