Les gaz à effet de serre causés par l'automobile sont en hausse au Canada, révèle une étude de Statistique Canada publiée jeudi. Entre 1990 et 2007, la quantité de ces émissions a crû presque deux fois plus vite que la population du pays.

Les véhicules privés sont responsables de plus de la moitié des gaz à effet de serre observés en 2005, rapporte l'étude. C'est huit points de plus qu'en 1990. Cette hausse est en partie attribuable à la popularité des véhicules utilitaires sport (VUS) dans les années 2000.

«Ce n'est pas une grande surprise: on a connu les augmentations du nombre de VUS et de consommation de pétrole pendant la prospérité économique», dit David Jeanes, président de Transport Action Canada. Les émissions de gaz à effet de serre se sont poursuivies en dépit de l'augmentation du coût de l'essence en 2007, note le rapport.

Parce qu'ils sont plus susceptibles de posséder un VUS, ce sont les ménages les plus riches qui ont émis le plus de gaz à effet de serre (5737 kg par habitant). «C'est sûr que les gens qui ont les moyens prennent leur voiture, et les autres les transports collectifs. Investir dans les transports collectifs, c'est aussi investir pour le transport de ceux qui ont moins de moyens», estime Luc Rabouin, directeur du Centre d'écologie urbaine de Montréal.

Les véhicules du Québec restent, après ceux de l'Ontario, les plus grands producteurs de gaz à effet de serre au Canada. Toutefois, c'est la Saskatchewan qui émet le plus de gaz par habitant (2184 kg par habitant).

Parmi les grandes villes canadiennes, Montréal et sa région métropolitaine ne font pourtant pas mauvaise figure. À 1219 kg par habitant, la métropole québécoise a en effet «la plus faible quantité d'émissions de gaz par habitant», peut-on lire dans le rapport de Statistique Canada, grâce à ses voitures plus écoénergétiques.

«Le fait que les émissions de gaz soient moindres à Montréal que dans d'autres villes est intéressant», dit Norman King, adjoint au responsable de la direction de la santé publique de Montréal. Toutefois, les efforts ne doivent pas cesser. «On regarde la situation actuelle et les projections pour l'avenir et on constate qu'il y a place à beaucoup d'amélioration», dit-il.

Selon M. King, «les gaz à effet de serre vont continuer à augmenter parce qu'il y a de plus en plus de véhicules sur les routes». Les projets routiers en cours au Québec et dans la région de Montréal - prolongement de l'A25, modernisation de la rue Notre-Dame ou rénovation de l'échangeur Turcot - pointent tous dans la même direction: amener plus de voitures au centre-ville. «C'est exactement l'inverse de ce qu'il faut faire», dit-il.

C'est un avis que partage Normand Mousseau, professeur de physique à l'Université de Montréal et auteur d'Au bout du pétrole. Les normes qu'a adoptées Québec en décembre dernier n'empêcheront pas, selon lui, les gaz à effet de serre d'augmenter: «Même si les voitures consomment moins, c'est sûr qu'ajouter 30% de voitures sur les routes va augmenter les gaz à effet de serre. Tant qu'on ne fera pas face au fait qu'il faut réduire le nombre de voitures en nombre absolu, on ne pourra pas réduire les gaz à effet de serre.»

En décembre dernier, la ministre de l'Environnement, Line Beauchamp, avait annoncé qu'elle souhaitait que le Québec, en 2020, ait réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 20% par rapport à 1990. Les chiffres publiés jeudi par Statistique Canada compromettent-ils cet objectif? Au moment d'écrire cet article, le ministère de l'Environnement n'avait pas rappelé La Presse.