L'Amérique du Nord devrait tirer davantage parti de la combustion du bois, affirment dans la prestigieuse revue Science des chercheurs américains et autrichiens. L'Autriche tire 15% de son énergie de centrales électriques et thermiques qui brûlent du bois, et le gouvernement américain finance depuis quelques années la conversion vers le bois des chaudières des écoles. Déjà, au Vermont, une école sur cinq chauffe au bois.

«Les nouvelles centrales qui brûlent du bois pour produire de l'énergie ou de la chaleur sont beaucoup plus efficaces et polluent beaucoup moins qu'auparavant», explique Dan Richter, professeur de foresterie à l'Université Duke en Caroline-du-Nord, l'auteur principal de l'essai publié dans Science. «L'Autriche est l'un des leaders en la matière dans le monde. Je pense qu'il y a beaucoup à faire en Amérique du Nord pour mieux tirer parti du bois mort, qui doit être retiré des forêts pour éviter les incendies, et des résidus des scieries. Mais quand on parle du bois, on ne fait souvent référence qu'aux poêles très peu efficaces en Chine qui créent de la pollution qui voyage jusqu'aux États-Unis.»

L'Autriche utilise la «biomasse», comme on nomme le bois dans les milieux de l'énergie, surtout pour se chauffer. La plupart des centrales produisent de la vapeur qui chauffe un village ou un quartier d'une ville, notamment à Vienne. Plus de 100 000 systèmes au bois chauffent de grands édifices comme les écoles, et un ménage sur cinq se chauffe avec un poêle à bois. «Le bois est vu comme un carburant d'avenir», indique Jurrien Westerhof, responsable du dossier à Greenpeace Autriche, qui a lui-même un poêle à bois dans sa maison, nichée dans une forêt voisine de Vienne.

La plus grande centrale au bois en Amérique du Nord est thermique et fournit de la vapeur pour le chauffage et la climatisation à la majorité des grands immeubles du centre-ville de Minneapolis, selon M. Richter. Au Québec, il existe deux centrales électriques au bois, dans le Grand Nord, dont la plus connue est celle de Chapais. Mais l'énergie tirée de la biomasse pourrait exploser parce que le gouvernement du Québec veut exploiter cette filière, notamment pour trouver d'autres débouchés pour le secteur forestier. À titre de comparaison, la centrale de Chapais produit cinq fois moins de «particules fines», responsables du smog, que les poêles à bois domestiques frappés de la norme EPA, dont il a souvent été question ces derniers mois durant la controverse sur le chauffage au bois à Montréal.

Sceptiques

Les environnementalistes québécois sont sceptiques. À l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA), André Bélisle considère que l'exploitation de la biomasse doit se faire très prudemment pour éviter les émissions de particules fines, surtout dans les régions comme Montréal, où une «inversion de température» emprisonne la fumée. À Greenpeace, la responsable du dossier de la biomasse, Mélissa Filion, estime que le gouvernement n'a pas fait la preuve que les nouvelles centrales ne nuiront pas aux forêts. Tant M. Bélisle que Mme Filion soulignent que le bois mort dans les forêts pourrait être plus bénéfique s'il permettait de transférer des nutriments au sol pendant sa décomposition. Les deux groupes se sont prononcés en faveur de l'interdiction pure et simple du chauffage au bois à Montréal.

Les partisans de la biomasse reconnaissent qu'il faut tenir compte des inversions de température. Les responsables pour le Vermont du programme fédéral Fuel for Schools ne convertissent pas au bois les écoles situées dans des régions aux prises avec ce type de phénomène, et M. Westerhof, de Greenpeace Autriche, dit que la ville de Graz, située dans une vallée, n'a pas de centrale au bois pour cette raison. Mais il précise que les poêles à bois domestiques ne sont pas pour autant bannis de Graz, parce que la circulation automobile est une source beaucoup plus importante de smog. «Avant d'interdire les poêles à bois, il faudrait réduire le nombre de voitures», affirme M. Westerhof.