Les visiteurs qui sont déjà venus à Pékin et qui y reviennent peuvent constater que beaucoup d'arbres ont été plantés dans la ville. Ce qu'ils ne savent probablement pas, c'est que la Chine est le pays qui a le plus important programme de reforestation de la planète.

Officiellement, c'est encore la ville de Pékin. Mais on est à 75 kilomètres du centre-ville, du côté nord de la Grande Muraille.

Par moments, le paysage ressemble à celui du Bas-du-Fleuve, avec ses petites montagnes dénudées. Sauf qu'ici, les gros cailloux ne sont pas gris, mais de couleur sable, comme le désert qui avance tranquillement de l'ouest.

C'est ici, dans le district de Yan Qing, qu'on a sorti la dynamite à partir de 2001. Oui, des explosifs pour planter des arbres. La montagne Bei était tellement dégarnie de terre ou de sable, que la dynamite a servi à créer des trous dans la roche, où on a pu planter des arbres, un à la fois. «La montagne est devenue toute verte», constate fièrement Wang Shuqin, directrice adjointe des travaux de reforestation.

La section de la montagne qu'elle nous fait visiter après avoir enfilé ses espadrilles est en effet bien vivante. Trois ans après la fin des travaux, les cèdres et la dizaine d'autres espèces plantés sont verts. Près de 10 000 personnes ont travaillé pendant quatre ans à reboiser quelque 2400 hectares, dans des montagnes abruptes où on s'imagine rencontrer des chèvres et non des humains.

Ce n'est pas ici que les bûcherons vont débarquer dans une trentaine d'années pour récolter la «matière ligneuse», comme l'appellent les forestiers. La plantation sert davantage à attirer les touristes de la ville, à la recherche d'espaces verts pas trop loin de la capitale.

Outre l'aspect touristique, les plantations comme celle-ci au nord de la capitale servent à repousser la poussière venant du désert de Gobi et qui crée, certains printemps, d'importantes tempêtes de sable à Pékin, mais aussi en Corée.

C'est pour cette raison que les résidants appellent cette plantation la «Grande Muraille verte», un projet de plantation qui se poursuit dans cinq provinces du nord. Comme l'eau est rare dans cette région de Chine, on choisit les espèces qui peuvent résister à des sécheresses.

Est-ce que ça fonctionne? «Il y a moins de poussière qu'avant, assure Mme Wang, qui est née dans ce district. Et le paysage est plus beau.»

L'histoire de la déforestation de la montagne Bei est similaire à celle de plusieurs autres dans le pays. «Dans les années 60 et 70 (période de misère en Chine), les animaux ont mangé la végétation. Et les habitants ont coupé les arbres pour se chauffer», explique-t-elle encore.

Consciente de son problème, la Chine ouvre progressivement son secteur forestier à l'expertise étrangère. «Il y a eu de grands changements dans la dernière décennie, explique Jim Carle, de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, la FAO. Les Chinois laissent de plus en plus de place au secteur privé dans la reforestation.»

Car, on a beau planter des arbres, encore faut-il que ceux-ci survivent. L'arrivée d'entreprises étrangères - dont la Canadienne Sino-Forest, qui a refusé les demandes d'entrevue pour ce texte - augmente la productivité des zones plantées, explique M. Carle.

«Il y avait un sentiment général qu'ils n'étaient pas aussi efficaces qu'ils auraient pu l'être. Ils plantaient souvent les mauvaises espèces dans les mauvais endroits Essentiellement, les grandes entreprises privées qui débarquent en Chine apportent leur propre technologie de très grande qualité.»

Mais il reste encore un bout de chemin à faire, poursuit-il, puisque la majorité des forêts sont encore gérées par l'État ou de petits producteurs peu efficaces. «Quand vous avez une lutte si féroce pour l'utilisation de la terre, ce n'est pas logique d'avoir des taux de productivité si faibles.»

Les autorités de Pékin en sont conscientes, souligne M. Carle. Mais, comme c'est le cas en plusieurs domaines, le message du gouvernement central peine souvent à se rendre dans les régions éloignées.