La commission Charbonneau a beau faire la manchette depuis deux ans, finira-t-elle par sombrer dans l'oubli comme nombre d'enquêtes publiques avant elle? Histoire de faire le point sur l'avenir de l'enquête sur l'industrie de la construction, La Presse s'est entretenue avec un spécialiste des commissions d'enquête, Charles-Maxime Panaccio, professeur de droit à l'Université d'Ottawa.

La commission Charbonneau passera-t-elle à l'histoire?

Ça dépend ce que l'on veut dire par «passer à l'histoire». Elle va certainement faire partie du paysage historique québécois, comme toutes les autres commissions d'enquête d'envergure, mais elle n'a rien de très exceptionnel en tant que commission d'enquête. On le constate en examinant les commissions du passé, qui ont souvent traité de sujets très similaires et dont peu de gens se souviennent maintenant. Et il y aura assurément d'autres commissions du même genre à l'avenir.

Est-ce que la commission Charbonneau va changer la façon de mener les commissions d'enquête?

Je ne vois rien qui permette de le croire pour le moment. Encore là, la Commission procède de façon assez typique. Elle pourra peut-être mener à la précision de certains paramètres en ce qui concerne les relations des commissions avec les procès criminels, mais rien de particulièrement révolutionnaire.

Somme toute, encore une fois, il s'agit d'une commission typique. Cela a l'avantage de minimiser les risques de dérapage.

Les commissions d'enquête changent-elles les choses, ou servent-elles simplement d'exutoire collectif?

L'un n'exclut pas l'autre. Les témoignages entendus peuvent satisfaire un certain désir de voir l'immoralité de gens exposée ou de voir des «élites» tomber de leur piédestal.

Normalement, les commissions vont aussi pouvoir éclaircir la situation et confirmer ou infirmer certains doutes qui se sont installés chez les citoyens. Et si les choses se passent bien, le lien de confiance entre les citoyens et leurs institutions peut alors être raffermi.

Mais il demeure que le principal objectif des commissions d'enquête est de constater pour ensuite conseiller. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle elles n'ont pas à exposer absolument tous les faits ou toutes les malversations associées à une problématique donnée. Elles ont seulement besoin d'en savoir assez pour pouvoir faire des recommandations utiles.

Et régulièrement, des commissions d'enquête ont donné lieu à des changements.

Ces changements ne sont pas toujours spectaculaires ou aussi médiatisés que les audiences, mais ils sont bien réels.