Trois des plus importants chantiers en cours du ministère des Transports du Québec (MTQ) dans l'échangeur Turcot, au sud-ouest de Montréal, sont fermés depuis plus d'une semaine en raison d'une intervention de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) et de la découverte de fortes concentrations d'amiante dans les sols de la gare Turcot.

Le MTQ a confirmé hier à La Presse que des concentrations d'amiante dans le sol pouvant atteindre un volume de 10% ont été découvertes par des spécialistes du Ministère après que la CSST a exigé la réalisation de nouvelles études de sols au cours d'une visite d'inspection, le 16 octobre dernier.

Les trois chantiers en cause ont été fermés sur-le-champ par le MTQ, a affirmé hier le porte-parole du Ministère, Mario St-Pierre.

Présence de plomb

Selon M. St-Pierre, les inspecteurs de la CSST se sont présentés sur les chantiers de la gare Turcot pour vérifier la conformité des installations sanitaires nécessaires pour protéger les travailleurs d'une exposition à des particules toxiques de plomb, un contaminant dont la présence avait déjà été clairement documentée par le passé.

Les relevés du Ministère indiquent que les volumes de sols contaminés au plomb ne représentent qu'une infime partie des sols contaminés de la gare Turcot, selon M. St-Pierre. Leur volume s'élèverait à environ 150 mètres cubes, sur un volume total de sols contaminés de 280 000 mètres cubes. Leur caractérisation et leur traitement, affirme le porte-parole, «ont été jugés conformes aux exigences» prescrites par la loi.

Toutefois, à la grande surprise du MTQ, ce n'est pas du plomb que les tests exigés par la CSST ont permis de découvrir, mais des concentrations importantes de débris d'amiante qu'aucune étude précédente n'avait jamais mises au jour.

De crainte que l'excavation de ces sols ne libère des fibres potentiellement toxiques dans l'air ambiant, le MTQ a procédé à la fermeture immédiate de trois des plus importants chantiers en cours, reliés à la reconstruction de l'échangeur Turcot.

Ainsi, les travaux de construction du nouveau boulevard Pullman, sous l'échangeur, un contrat de plus de 40 millions de dollars, sont paralysés depuis maintenant huit jours. De même, le MTQ a suspendu les travaux de construction de l'avenue Carillon entre les rues Pullman et Notre-Dame.

Enfin, des travaux de construction d'une bretelle du nouvel échangeur Turcot, qui reliera entre elles les autoroutes 15 et 20, sont aussi interrompus depuis le 16 octobre en attendant les résultats des analyses de nouveaux échantillons de sols. Contrairement aux deux précédents, ce chantier n'est pas dans la gare Turcot, mais il surplombe des terrains qu'on soupçonne contaminés.

De nouvelles études

Les travaux n'y reprendront pas non plus avant au moins une autre semaine, soit le temps que le Ministère réalise de nouvelles études de caractérisation afin de documenter la présence de fibres d'amiante dans le sol de cette ancienne gare de triage ferroviaire que le MTQ a racheté au Canadien National (CN) en 2003.

«Il n'y a rien dans l'historique des activités passées dans la cour Turcot qui aurait pu nous permettre de croire qu'on y trouverait de l'amiante, a dit hier M. St-Pierre. Cela n'a pas été détecté malgré plusieurs campagnes de caractérisation, avant les analyses récentes.»

Il n'a pas été possible de connaître, hier, le nombre de salariés privés de travail dans l'attente des nouvelles investigations de sols du Ministère. Pour sa part, le MTQ se dit incapable d'évaluer pendant combien de temps les travaux resteront suspendus puisqu'on ne connaît pas encore les concentrations d'amiante présentes dans le sol, ni les mesures de précaution qui devront être prises pour s'en débarrasser.

Dans les circonstances, M. St-Pierre a indiqué que le MTQ ne peut évaluer l'impact de cette découverte d'amiante sur les coûts et les échéanciers des trois chantiers paralysés.

Plus de 140 ans d'activités ferroviaires

La gare de triage Turcot est un immense terrain de 85 hectares qui s'étend à l'ouest de l'échangeur du même nom et qui servira de «camp de base» lors de la construction des hauts remblais sur lesquels seront construites les bretelles du nouvel échangeur Turcot.

Plusieurs des infrastructures prévues dans le cadre du projet de reconstruction de l'échangeur seront implantées dans cette gare dont la superficie équivaut à presque deux fois et demie le parc La Fontaine ou, si l'on préfère, à 117 terrains de football.

Un corridor ferroviaire comprenant 10 voies ferrées sera aménagé dans le nord de la gare Turcot. C'est aussi dans cette gare que seront reconstruites les voies de circulation de l'autoroute 20 entre les échangeurs Turcot et Saint-Pierre.

Nouveau boulevard

Un nouveau «boulevard Pullman» est aussi en construction, sur une partie des terrains de cette gare où transiteront tous les matériaux de remblai nécessaires à la construction du nouvel échangeur, prévue de 2015 à 2019.

Achetée au Canadien National par le ministère des Transports du Québec, en 2003, cette ancienne gare de triage ferroviaire a été le témoin de près de 150 ans d'activités des chemins de fer canadiens. La première voie ferrée y fut construite dès 1855, mais ce n'est qu'au début du XXe siècle que ces terrains ont été aménagés en gare de triage. Elle a été peu à peu abandonnée à partir des années 90.

Les activités industrielles qui s'y sont déroulées ont laissé des traces profondes dans le sol de ces terrains. Les études de caractérisation menées depuis les années 80 ont révélé la présence de plusieurs métaux lourds (cuivre, étain, plomb et zinc) et d'hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), dans des concentrations supérieures aux pires critères de traitement et de réhabilitation prévus par l'échelle du ministère de l'Environnement.

Les zones de contamination par les produits pétroliers seraient toutefois limitées à «sept enclaves distinctes et bien délimitées».

Pas d'amiante

Les deux études consultées hier par La Presse ne font nulle part état de la présence d'amiante ou de chrysotile dans les déchets et matériaux de remblai retrouvés sur le terrain, où la Ville de Montréal espère créer un nouveau quartier, le long du canal de Lachine, lorsque sera terminée la construction du nouvel échangeur Turcot.