L’électrification de nos transports est importante et de nouvelles usines de batteries devront vraisemblablement voir le jour. Cependant, un projet visant à réduire nos gaz à effet de serre ne devrait pas se faire au détriment des milieux naturels et des espèces qui y vivent.

On ne peut ignorer la crise de la perte de biodiversité et l’importance de sauvegarder le peu d’habitats et de milieux humides qu’il nous reste, notamment en Montérégie. D’ailleurs, le Québec a « fièrement » adhéré aux engagements de l’accord Kunming-Montréal pour enrayer la destruction de la biodiversité, indispensable à l’humanité. Les décisions entourant le choix du site pour Northvolt contreviennent à ces engagements et aux principes de la Loi sur le développement durable.

Seul le respect de la procédure d’évaluation environnementale impliquant le BAPE aurait permis d’assurer la transparence, le respect des parties prenantes, et la bonification du projet visant à « éviter-minimiser-compenser » les impacts sur la biodiversité.

On nous dit que le site choisi était la seule option ; qu’il n’y a plus d’espaces industriels de cette envergure dans la grande région de Montréal. Cette perspective est erronée et basée sur deux fausses prémisses.

La première est liée au décalage entre le zonage et la réalité. Depuis qu’il a été abandonné, le site de Northvolt est devenu un milieu d’une grande richesse et d’une grande complexité soutenant la vie de nombreuses espèces, dont plusieurs sont menacées. Plusieurs sont d’avis que les municipalités concernées auraient dû reconnaître la valeur de ce site et en faire changer le zonage afin de le protéger et permettre aux communautés de bénéficier des services écosystémiques (rafraîchissement, purification de l’air et de l’eau, paysage, pollinisation, etc.) qui en découlent. Donc, si on avait reconnu la valeur réelle de ce site, celui-ci n’aurait pas été considéré comme option.

Consulter le milieu agricole

La deuxième fausse prémisse serait de considérer qu’en l’absence de sites déjà développés, il vaudrait mieux détruire un habitat complexe que de construire en zone agricole. Pourtant, l’agriculture industrielle aidant, les espaces dans le sud du Québec où peuvent encore vivre nos oiseaux, poissons, batraciens, chauve-souris, et petits mammifères sont beaucoup plus rares que les terres agricoles.

Préserver la forêt, les friches, les milieux humides et la qualité de l’eau de la rivière Richelieu représenterait un gain important pour la biodiversité, le futur de nos enfants, la santé publique et notre capacité d’adaptation aux changements climatiques.

Alors que nous devons transformer notre économie, et mettre en œuvre la transition, nous voilà déjà dans un cul de sac. La commissaire au développement durable nous indique que le gouvernement n’assure pas la création et le suivi des sites de compensation, les territoires susceptibles d’accueillir des habitats de remplacement sont rares, et il est fort probable que ceux-ci soient situés dans des espaces déjà naturalisés ou… sur des terres agricoles.

En cassant ses propres règles, le gouvernement crée un dangereux précédent et ouvre la voie à un affaiblissement du processus démocratique qui devrait entourer la protection des milieux naturels. En consultant le milieu agricole, peut-être que certaines terres enclavées par des autoroutes ou par l’étalement urbain se seraient avérées optimales.

Encore mieux, si elles appartiennent déjà à des spéculateurs en attente d’un dézonage comme il en existe toujours dans la grande région de Montréal selon l’excellent documentaire Québec : Terre d’asphalte. D’ailleurs, il semble bien que ce soit le choix qui a été fait pour le projet de Northvolt à Heide, en Allemagne (implantation en milieu agricole, à proximité d’autoroutes). Pourquoi ne pas s’en inspirer ? De ne pas considérer cette option dès le départ, et en collaboration avec le milieu agricole, c’est se peinturer dans le coin.

Cosignataires : Éric Pineault, professeur, Institut des sciences de l’environnement, UQAM ; Aurélie Sierra, sociologue de l’environnement ; Maxime Gagnon, urbaniste ; Patricia Chalifour, consultante séniore en recrutement ; Guillaume Dostie, enseignant en biologie, cégep de Saint-Laurent ; Katherine Collin, présidente, Technoparc Oiseaux ; Dre Pascale Bourgeois ; David Roy, directeur général, Ateliers pour la biodiversité ; Emma Despland, professeure de biologie, Université Concordia ; Josée Goudreau, juriste et biologiste