L’industrie québécoise de la construction est un vecteur économique important. En 2022, elle compte environ 27 000 employeurs et 300 000 travailleurs distribués dans les quatre secteurs suivants : institutionnel et commercial, industriel, génie civil et voirie, et finalement résidentiel.

Les conditions de travail sont prévues dans quatre conventions collectives, une pour chacun des secteurs industriels précités. Ces conventions sont le résultat d’une négociation entre cinq syndicats et quatre associations d’employeurs. La table étant ainsi mise, tout peut devenir par la suite complexe.

Le régime actuel de relations de travail dans l’industrie de la construction a pris naissance juste après le vaste chantier de construction d’Expo 1967 à Montréal. À l’époque, la syndicalisation se faisait par chantier. Des luttes syndicales acrimonieuses se produisaient entre des syndicats de la CSN et de la FTQ en vue de représenter collectivement les travailleurs, chaque centrale voulant sa plus large part du gâteau.

De ce terreau naquit, en 1968, le Bill 290 qui imposait une négociation collective sectorielle et introduisait une formule d’atelier syndical fermé. Tout travailleur de la construction devait dorénavant être syndicalisé.

La gestion de cette industrie, devenue soudainement nationalisée, fut confiée à un organisme à vocation paritaire qualifiée maintenant de Commission de la construction du Québec.

Dès lors, les employeurs devaient se référer aux agents syndicaux pour recruter leur main-d’œuvre. Ce placement syndical fut aboli par le gouvernement de Jean Charest en 2011. Il fut l’objet de vives luttes intersyndicales. À cet égard, rappelons le saccage du chantier de la Baie-James le 21 mars 1974. Un conseiller syndical de la FTQ, au volant d’un véhicule lourd, endommagea lourdement les lieux de travail en vue d’empêcher la Société de la Baie-James d’embaucher des travailleurs syndiqués à la CSN. Ce chantier nordique s’est alors retrouvé sans chauffage en hiver. Par conséquent, il a fallu évacuer d’urgence vers le sud environ 10 000 travailleurs. Les Québécois prenaient ainsi conscience que quelque chose ne tournait pas rond au royaume de la construction.

Commission Cliche

L’industrie de la construction était alors marquée par un problème qui l’a hantée tout au cours de son évolution soit, dans une certaine mesure, de la corruption patronale et de la « mafia » syndicale. Cette situation fut bien révélée par la commission Cliche en 1974 et, subséquemment, par la commission Charbonneau en 2011. Celle-ci a notamment démontré que la corruption s’étendait à l’arène politique municipale spécialement dans la région de Montréal. La commission Charbonneau s’est arrêtée à la porte d’entrée du gouvernement du Québec.

Essentiellement, le projet de loi 51 du ministre Jean Boulet entend faciliter la mobilité entre les métiers et les régions dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre. Le projet de loi propose aussi de faciliter l’entrée des femmes, des autochtones, des handicapés, des immigrants et des minorités visibles dans l’industrie de la construction. Il crée en outre un comité provincial de relations de travail en vue de pacifier le dialogue social. Finalement, il accentue le rôle déjà omniprésent de la Commission de la construction du Québec.

L’industrie de la construction est privée. Mais elle est centralisée et contrôlée par une Commission qui compte plus de 1200 fonctionnaires. Ainsi perçue, c’est l’industrie privée probablement la plus centralisée et technocratisée du monde occidental.

Ne faudrait-il pas décentraliser le fonctionnement de l’industrie québécoise de la construction comme c’est le cas dans la plupart des pays du monde en garantissant aux travailleurs des conditions de travail de qualité au moyen d’une négociation nationale. Le régime actuel de relations de travail dans l’industrie de la construction provient de solutions qui furent appliquées à des situations conflictuelles observables dans les années 1960. Or nous sommes à l’heure de la révolution de l’intelligence artificielle.

Certes, il faut relancer le système de relations de travail dans l’industrie de la construction vers des lendemains chantants. Ce n’est pas de la compétence des gens dont il s’agit, c’est de leur système d’insertion. Il faut donc s’inspirer des systèmes en vigueur qui fonctionnent bien dans d’autres pays sans oublier les autres provinces canadiennes. L’industrie québécoise de la construction mérite un coup de barre susceptible d’améliorer sa performance et la fierté d’y œuvrer, spécialement chez les jeunes Québécois. Enchaînée, elle doit se déchaîner. Tenant compte de l’état du malade, la thérapeutique du ministre Jean Boulet risque d’être insuffisante.