Lors de la grève générale du Front commun, nous avons commenté publiquement l’impasse dans laquelle se retrouve la négociation du secteur public. Comme ex-présidente du Conseil du trésor et ex-président de la CSN, nous ne pouvons rester indifférents devant la crise qui afflige nos services publics au Québec.

L’actuelle négociation offre une occasion unique de jeter les bases d’un règlement qui permettra de régler les problèmes de nos écoles et de nos hôpitaux.

Pourquoi est-ce si difficile ? Deux approches s’affrontent, tant dans le réseau de l’éducation que dans celui de la santé. D’un côté, un premier ministre qui est ouvert à bonifier son offre salariale en échange d’une plus grande flexibilité. De l’autre, des syndicats qui invitent le gouvernement à négocier à partir de solutions concrètes exprimées par les travailleurs sur le terrain. Qui a raison, alors que collectivement, nous faisons face à des pénuries de main-d’œuvre sans précédent ?

On ne peut douter de la bonne foi du gouvernement et des syndicats. Cependant, la vision centralisatrice de l’organisation des services exprimée par le ministre de la Santé, Christian Dubé, et le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, nous préoccupe au plus haut point.

Leurs projets de loi 15 en santé et services sociaux et 23 en éducation nous éloignent dangereusement de solutions concrètes qui peuvent s’exprimer sur le terrain.

Comment peut-on sérieusement penser régler à Québec le débordement des urgences et des classes, les longues listes d’attente en évaluation des élèves ou encore le « temps supplémentaire obligatoire » des infirmières ?

Les experts en relations de travail (Mélanie Laroche, 2012) ont démontré que l’organisation du travail passe par la négociation locale. Qu’il est pratiquement impossible de revoir les façons de produire ou de donner des services dans une structure de négociation centralisée.

Si on veut introduire en éducation et en santé de nouvelles façons de faire, cela nécessite l’implication des acteurs locaux. Il faut avant tout valoriser un dialogue constructif entre gestionnaires et travailleurs qui se respectent.

La gestion des réseaux de la santé et de l’éducation repose trop souvent sur la confrontation. La collaboration réclamée par la ministre du Conseil du trésor ne verra pas le jour si nous continuons à considérer les salariés comme de simples exécutants.

Nombreuses sont les entreprises privées qui ont compris depuis longtemps que l’on affronte les enjeux de la productivité par une plus grande participation des travailleurs.

L’application et le respect d’une convention collective ne doivent pas être perçus comme une embûche, mais bien comme la base des relations de travail.

Si le gouvernement de la Coalition avenir Québec veut assurer l’avenir des services publics, il doit donner à ses employés des conditions salariales décentes.

Mais il doit aller plus loin. Il doit revoir sa vision centralisatrice. Donner aux acteurs locaux les pleins pouvoirs d’agir sur l’organisation du travail.

Une fusion forcée pour des centaines de milliers de travailleurs du réseau de la santé et des services sociaux dans six grands syndicats ne réglera pas les problèmes de services à la population ; bien au contraire, elle va les amplifier !

Personne ne veut perdre la face dans cette négociation. Le gouvernement et les syndicats savent qu’une entente négociée est la seule voie de sortie de crise pour les services publics au Québec.

Souhaitons que la nomination d’un conciliateur, une première dans l’histoire, fasse avancer la négociation.

Souhaitons que le premier ministre du Québec emprunte le chemin contraire de la centralisation des pouvoirs.

Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue