Au fil des dernières décennies, il est manifeste que le Québec a réalisé d’importants progrès en matière d’équité salariale entre les hommes et les femmes.

Or, si un progrès est observable au fil du temps, il est indéniable qu’il reste encore beaucoup de travail à faire avant d’atteindre l’égalité financière entre les Québécoises et les Québécois.

Dans un sondage CROP dévoilé en novembre 2022, la Chambre de la sécurité financière rapportait que 63 % des femmes disent gagner un peu ou beaucoup moins que leur conjoint, alors que c’est seulement 27 % des hommes qui affirment la même chose en comparaison avec leur conjointe⁠1.

Cette situation crée de plus en plus de pression sur les couples au moment où l’économie est soumise à des aléas significatifs. Ces aléas se font d’ailleurs particulièrement sentir depuis plus d’un an.

En effet, toutes les familles du Québec vivent difficilement les contrecoups de l’inflation généralisée qui a eu pour incidence de faire grimper les dépenses de base de façon disproportionnée en 2022 et en 2023, à commencer par le panier d’épicerie. Les hausses de prix sont également observables en habitation, alors que les loyers bondissent en raison de la pénurie de logements.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

L’inflation s’observe notamment en habitation, avec des loyers qui bondissent en raison de la pénurie de logements.

Si la pression augmente sur les couples de façon générale, elle pèse assurément plus lourd sur les conjoints dont les revenus sont les moins élevés dans le couple. Malheureusement, ces conjoints défavorisés sont bien souvent des femmes qui sont en union libre.

L’importance de la littératie financière et de réformer le droit de la famille

Alors que novembre marque le mois de la littératie financière, nous prenons la parole pour conscientiser le public à cette réalité et pour dénoncer cette iniquité.

C’est également dans ce contexte que la Chambre de la sécurité financière et l’Institut national de la recherche scientifique ont annoncé, le 21 novembre dernier, la création de la chaire de recherche et de formation Argent, inégalités et société. Celle-ci se penchera sur les aspects sociaux de la gestion des finances personnelles, notamment les inégalités entre les hommes et les femmes liées à ce sujet, ou encore celles vécues par les personnes en situation d’immigration.

Il est d’une grande importance d’aborder ces questions complexes dans le contexte où le Québec est le leader mondial de l’union libre, mais aussi la seule province canadienne à ne pas disposer de cadre juridique pour les conjoints de fait, notamment dans l’éventualité d’une séparation.

Un tel cadre juridique permettrait de répartir équitablement le coût de l’interdépendance que crée la vie familiale entre les deux conjoints. Actuellement, beaucoup de femmes au Québec paient très cher pour les dépenses familiales, et perdent leur autonomie économique à moyen et à long terme. Le choix de l’union libre n’est pas un choix éclairé comme le démontrent de multiples études.

C’est particulièrement le cas au sujet de l’épargne en vue de la retraite, la grande oubliée de la gestion des finances entre conjoints. La majorité des couples épargnent à long terme séparément, même s’ils optent pour une gestion commune du budget quotidien. Chez les conjoints de fait, cette proportion est de 26 %. Lorsque survient une séparation, les conjoints réalisent qu’il y a uniquement l’un des deux membres du couple qui a réellement été en mesure d’épargner durant ces années, ce qui constitue une véritable injustice.

C’est l’heure d’assurer l’équité en matière de sécurité financière

Encore à ce jour, les femmes sont pénalisées par leurs responsabilités familiales alors qu’elles sont souvent contraintes de diminuer leurs revenus pour prendre soin des enfants. Au bout du compte, les revenus de retraite des femmes sont de 30 % à 40 % moins élevés que ceux des hommes au Québec.

À l’heure où l’inflation fait des ravages considérables dans l’économie et gruge le budget des familles, il est grand temps d’adopter une approche égalitaire dans la gestion des finances.

Plusieurs solutions existent, comme une répartition de l’épargne entre conjoints ou une gestion au prorata des revenus qui inclut l’instauration d’un revenu personnel de base.

Toutefois, l’urgence réside d’abord et surtout dans la réforme du droit familial et la reconnaissance de l’union de fait dans le partage des revenus familiaux à court et à long terme. Le droit familial, tel qu’il s’applique aujourd’hui, ne correspond plus à la réalité. Nous interpellons donc le gouvernement du Québec à cet égard et lui offrons notre collaboration pour mener à bien cette mise à jour essentielle du droit pour les femmes du Québec.

Ensemble, passons à l’action pour les femmes du Québec !

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