Tout le monde en convient : la réelle force de l’école dépend moins de ses briques que des personnes qui la portent à bout de bras.

Évidemment, les enseignants seront toujours les premiers à nous venir en tête lorsque nous évoquons l’équipe-école. Et c’est normal. Leur rôle est prégnant et nous gardons tous une impression indélébile des enseignants qui ont marqué notre parcours scolaire.

Cela dit, les enseignants reconnaissent avec humilité qu’ils ne pourraient jamais accomplir leur mission essentielle sans l’apport des membres de l’équipe-école. Au fond, les profs pourraient être comparés aux violons d’un orchestre symphonique. Bien qu’ils jouent une mélodie de premier plan, l’harmonie serait compromise sans la contribution des autres instruments ou l’indispensable conduite du chef d’orchestre.

Alors que s’amorce la semaine québécoise des directions d’établissement scolaire, nous devons collectivement saluer le travail colossal qu’elles effectuent jour après jour dans nos écoles.

Métier impossible ou effectif ?

Dans un de ses célèbres essais, Freud qualifie d’ « impossibles » et de « voués à l’échec » les métiers qui consistent à soigner, éduquer et gouverner. Or, les directeurs d’école cumulent deux de ces tâches impossibles. Force est d’admettre que leur emploi se révèle ardu, mais ils relèvent le défi avec brio.

La recherche tend d’ailleurs à démontrer qu’une direction efficace produit un effet à la fois tangible et mesurable.

En effet, une synthèse systématique de deux décennies d’études atteste que les impacts d’une bonne direction s’avèrent beaucoup plus significatifs qu’attendu. Ces résultats suggèrent que le fait d’améliorer la gouvernance scolaire pourrait générer un des retours sur investissement les plus élevés dans le domaine de l’éducation.

De l’importance d’une direction stable et autonome

L’adage populaire veut que l’on se rende compte de l’importance d’une chose uniquement après l’avoir perdue. Au cours des dernières années, les directeurs se sont succédé à un rythme ahurissant à l’école primaire de mes enfants. Cette litanie a révélé au grand jour la valeur inestimable d’une direction bien ancrée dans son milieu. Elle a prouvé hors de tout doute que l’absence de stabilité déroute non seulement l’école et son personnel, mais l’ensemble de la communauté. Depuis, nous mesurons pleinement l’impact d’une direction pérenne, et ce, aussi bien quant à la rétention de personnel qu’au suivi efficace des dossiers. Qui plus est, nous constatons que l’éternel recommencement des relations est épuisant et que l’instabilité compromet les liens harmonieux avec les parents, le conseil d’établissement, la fondation et les bénévoles qui participent à la vie scolaire.

Et, tristement, notre cas n’est pas unique. On pourrait même conclure que certains centres de services se plaisent à multiplier les mutations, comme s’il s’agissait d’une bonne pratique…

Dans son essai paru en 2021, David Bowles déplore ces changements fréquents à la tête des établissements scolaires qui nuisent au sentiment d’appartenance. Du même souffle, il dénonce le peu d’autonomie dont jouissent les directions d’école dans l’exercice de leurs fonctions.

Plusieurs éléments distinguent les réseaux privés et publics. Or, une différence notoire concerne justement le mode de gouvernance qui fait en sorte que les directeurs du privé possèdent davantage de latitude dans la gestion des budgets, l’embauche des ressources humaines et la création des programmes éducatifs de leur école. Avec l’abolition des commissions scolaires, on nous faisait miroiter une décentralisation salutaire des pouvoirs. Cependant, nous attendons encore les fruits de cette réforme. Il apparaît clair que les résultats ne se concrétiseront que si les directions gagnent en indépendance et que les conseils d’établissement deviennent de véritables conseils d’administration. Après tout, seuls des chefs d’orchestre stables, autonomes et aptes à rendre des comptes permettront que chaque microcosme scolaire soit réellement au diapason de sa communauté.

Lisez « How Principals Affect Students and Schools » (en anglais) Lisez « S’intéresser d’abord et avant tout aux élèves » Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue