Pour contrer le grave problème de décrochage scolaire, qui touche davantage les garçons que les filles, David Bowles s’inspire des bâtisseurs de la Révolution tranquille et formule 55 recommandations pour la réussite scolaire.

Au fur et à mesure que la crise de la COVID-19 progressait, j’étais de plus en plus préoccupé de ses répercussions sur la motivation scolaire des jeunes Québécois et, par conséquent, sur la persévérance scolaire. La relation de confiance qui se construit entre l’enseignant et les élèves devenait très difficile à construire et à maintenir avec la fermeture des écoles et l’implantation de l’enseignement à distance. Cela m’a conduit à prendre un certain recul pour réfléchir à mes propres valeurs éducatives et à ce qui m’a permis, comme éducateur, de connaître du succès avec mes élèves, de les garder motivés et intéressés par leurs apprentissages. Or, dès le début de ma carrière, j’ai pu remarquer l’importance capitale de la relation privilégiée entre l’enseignant et ses élèves pour assurer la réussite et la persévérance scolaires.

Comme c’est le cas pour plusieurs nouveaux enseignants, mes débuts dans la profession ont été laborieux. Le fait de préparer et de donner des cours, jour après jour, à des groupes de 30 adolescents de 3e secondaire tout en m’assurant qu’ils écoutaient ce que je leur enseignais était certes stressant. Par contre, ce que je trouvais réellement difficile, c’était de prendre conscience que les élèves avaient, en toute franchise, l’air de s’ennuyer royalement. Je voyais qu’ils apprenaient plutôt bien la matière, mais ils s’ennuyaient et, par conséquent, je m’ennuyais aussi. Quelque chose devait changer.

J’ai donc pris une décision toute simple qui a totalement changé la donne pour moi et pour mes élèves pour le reste de l’année scolaire et, bien honnêtement, pour la suite de ma carrière : m’intéresser d’abord et avant tout à mes élèves, aux individus devant moi, avec leurs centres d’intérêt, leurs passions et leurs personnalités uniques. Cet intérêt devait avoir préséance sur la matière elle-même. C’était aussi simple que de commencer mes cours en demandant à mes élèves ce qu’ils avaient fait la veille, comment s’était déroulée leur partie de soccer, s’ils avaient écouté le match du Canadien, qui était leur participant préféré dans telle ou telle téléréalité, quelle activité ils avaient faite avec leur famille ou leurs amis… J’utilisais ensuite ce matériel dans le contenu de mes cours pour créer des exemples que j’incorporais dans des textes et des blagues. Je me suis mis à saisir chaque occasion d’assister à leurs compétitions sportives et à leurs spectacles artistiques, et de les accompagner dans les sorties scolaires et les voyages étudiants.

J’ai appris à les connaître et ils se sont mis à me faire confiance et à solliciter mes conseils.

J’ai constaté après quelque temps que parfois, voire souvent, ils se calmaient en classe quand je le leur demandais et qu’ils le faisaient… pour me faire plaisir. Ils participaient avec entrain aux activités que je leur avais préparées, ils ne s’ennuyaient (presque) plus, et quand ils s’apercevaient que j’avais travaillé fort pour leur créer une activité originale… ils me remerciaient. À partir de ce moment, la profession d’enseignant est devenue pour moi la plus enrichissante au monde parce que je me sentais… utile.

Évidemment, plusieurs éléments font en sorte qu’un enseignant parvienne à accompagner ses élèves vers la réussite : une passion pour sa matière, une bonne gestion de classe, des stratégies d’enseignement adaptées aux différents élèves de la classe, etc. Cependant, je suis convaincu qu’une des principales clés du succès d’un bon enseignant, par rapport à la réussite de ses élèves et à sa propre motivation, est de s’intéresser d’abord aux êtres humains qui se trouvent devant lui tous les jours.

Vingt ans plus tard, je pense qu’il est temps, en tant que société, d’appliquer cette façon de faire aux élèves qui fréquentent actuellement le système scolaire québécois dans son ensemble. Nous devons nous tourner vers eux et faire de leur réussite une priorité absolue. Je suis convaincu que, contrairement à ce que certains pourraient dire, nos élèves sont très bons. En fait, les tests internationaux nous démontrent que nos élèves sont parmi les meilleurs au monde. Cependant, trop d’entre eux décrochent, ce qui a des conséquences extrêmement graves pour notre avenir collectif. Le Québec a le plus haut taux de décrochage scolaire au Canada et un des plus hauts en Occident.

En cette sortie de crise, nous devons entamer une relance historique du système éducatif d’une ampleur comparable à celle que le Québec a connue lors la Révolution tranquille dans les années 1960. Pour la réussir, nous devons nous tourner une fois de plus vers notre système scolaire en nous intéressant d’abord et avant tout aux élèves et au personnel scolaire. Nous devons collectivement mettre en œuvre notre créativité, notre savoir-faire et notre sens de l’innovation pour nous attaquer tous ensemble au problème du décrochage scolaire, et nous devons le faire maintenant.

Réflexions d’un directeur d’école – Pour injecter une dose de persévérance scolaire au Québec

Réflexions d’un directeur d’école – Pour injecter une dose de persévérance scolaire au Québec

Éditions Château d’encre, septembre 2021

150 pages

Qui est David Bowles ?

David Bowles est directeur général du Collège Charles-Lemoyne, établissement d’enseignement préscolaire, primaire et secondaire regroupant deux campus sur la Rive-Sud de Montréal. Il travaille dans le domaine de l’éducation depuis 20 ans, dont 15 ans dans des postes de direction scolaire. Il est président de la Fédération des établissements d’enseignement privés, qui représente environ 200 écoles primaires et secondaires québécoises. Il s’exprime régulièrement à propos d’enjeux liés à l’éducation dans les médias nationaux.