Vous l’aviez sûrement remarqué, mais Taylor Swift est un ectoplasme, tout est faux et son succès n’est pas « organique ». Pas organique ? Haaa ! OK ! Dans le sens de fourberie, de produit de l’intelligence artificielle, genre ?

Ou peut-être assiste-t-on à un spectacle holographique d’elle et de son barbu d’amoureux, le gros monsieur qui s’amuse avec des ballons, Travis Kelce ?

Un fake show à opposer aux fakes news, et qui ferait partie d’un complot du Pentagone pour mousser un éventuel appui du couple, mais surtout de la chanteuse, à Joe Biden ?

Ouf ! Ils en fument du maudit bon, les voisins !

Ces nouveaux délires de respectables citoyens américains ont fait les manchettes dernièrement dans les États.

Là d’où je viens, en banlieue de Québec, on a une expression assez raide pour qualifier ce genre de monde, mais je me retiendrai pour ne pas faire défaillir la patronne…

Je ne vous apprends rien, et je sais, je radote encore sur lui, mais Donald Trump est le roi de la boulechite dans son pays. Il ment en plein jour, invente des menaces de l’État profond et parallèle (deep state), prend les dames par le sexe, et quoi encore ?

Mais un Américain sur deux veut toujours le réélire à la tête du pays.

On n’y comprend rien ici, et on serait tenté d’expliquer que 50 % des Américains sont des morons. Mais ça fait beaucoup de monde, et ils ne sont pas tous des gueux, tant s’en faut.

Ou on pourrait aussi prétendre qu’ils ont peur des socialistes, les liberals chez eux, ou n’en ont que pour le cash. Là, on approche de la bonne réponse, mais ce n’est pas suffisant.

Bref, pour nous, tout cela demeure un grand mystère.

J’ai lu un livre qui aide à la compréhension : Under the Eye of Power – How Fear of Secret Societies Shapes American Democracy, écrit par Colin Dickey, auteur et enseignant à la National University de San Diego.

Pour vous donner le ton, la première ligne du livre est celle-ci : « Les États-Unis sont nés dans la paranoïa. » Boum !

À part notre paranoïa politique de minoritaires au pays, avant la pandémie, je ne me souviens pas que nous ayons beaucoup réfléchi ou discuté du phénomène conspirationniste, chez nous. Bon, il y avait bien La Meute et une couple d’autres ramassis de pas de vies, mais rien de vraiment sérieux.

Et donc, cette importation américaine nous est subitement sautée dans la figure. Mais chez les voisins, Dickey explique qu’on en raffole depuis l’arrivée des premiers colons.

Pour ceux qui ont imaginé ces complots, les coupables étaient les sorcières de Salem ; les papistes, donc les catholiques ; les Juifs, évidemment ; les Afro-Américains ; les francs-maçons ; les financiers ; les reptiliens, etc., nommez-les !

Et, évidemment, le gouvernement !

L’auteur cite quelques résultats de sondages éloquents :

En 2021, 79,6 % des Américains craignaient plus la corruption à l’intérieur du gouvernement américain que de voir un de leurs proches mourir (58,5 %) !

Dans la même année, 47 % croyaient que leur gouvernement leur cachait quelque chose concernant le nouvel ordre mondial.

En décembre dernier, dans un sondage du Washington Post et de l’Université du Maryland, 25 % d’Américains croyaient que le FBI avait organisé et encouragé l’assaut du Capitole du 6 janvier 2021, 48 % croyaient que cela était faux et 26 % n’étaient pas sûrs… J’ai bien écrit « pas sûrs » !

C’est sans compter la croyance en la théorie du Grand Remplacement (Great Replacement) – qui veut que la population blanche soit remplacée par les gens de couleur aux États-Unis – qui a fait la fortune de Tucker Carlson, naguère sur Fox News.

L’auteur explique que les Américains ont fait l’objet, au fil de l’histoire, de plusieurs crises de panique morale.

La notion de panique morale a été cernée par un sociologue de la London School of Economics : Stanley Cohen. Pour celui-ci, il s’agit d’« un élément perçu comme un danger pour une valeur ou une norme défendue par la société ».

De tout temps, les conspirationnistes américains ont craint les sociétés secrètes qui travaillaient en arrière-scène pour faire sauter la démocratie, restreindre la liberté et flinguer l’état de droit (rule of law).

La faiblesse du livre est de ne pas vraiment identifier les causes du délire, ou ce n’était pas l’intention.

Mais j’oserais penser que ce pays a mal démarré parce que fondé par des religieux crinqués, illuminés, se disant persécutés, des psychotiques comme l’auraient peut-être été Abraham et Moïse.

La morale de l’histoire est que l’ex-président et ses semblables partaient avec une base solide en dénonçant le système électoral, l’organisation démocratique américaine et le marécage de Washington, D.C. On a peut-être là le début d’une explication à leur succès, à ajouter à l’appui des évangéliques américains.

Mais curieusement, les conspirationnistes qui s’inquiètent pour la démocratie appuient celui qui a le discours le plus fascisant et ont jubilé lors de l’assaut du Capitole sous le patronage du commander-in-chief, Trump lui-même.

America !

Entre nous

La case de l’oncle Tom a été le livre le plus vendu aux États-Unis au XIXsiècle après la Bible. Mais avant sa parution en 1852, dans la vague anticatholique de ces années, le livre le plus vendu de l’histoire de ce pays a été une œuvre littéralement pornographique pour l’époque, et qui avait comme titre : Awful Disclosures by Maria Monk of the Hotel Dieu Nunnery of Montreal. Oups ! Soi-disant écrit par une ex-sœur, mais dans les faits une création protestante pour faire mal aux catholiques.

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