Il y a quelques années, j’avais une chronique le samedi matin à la radio de la CBC. Elle s’appelait « Media Junkie » et consistait en l’analyse en profondeur d’une nouvelle et de son traitement médiatique. Dix minutes de grande joie pour moi, même quand la nouvelle choisie était mauvaise.

Je n’ai fait aucune résolution pour cette nouvelle année. De toute façon, je n’aurais pas su par où commencer. Mais si j’avais eu le courage de faire l’exercice, l’idée de lire, regarder et écouter moins les nouvelles se serait retrouvée tout en haut de la liste. Cette résolution aurait été un vœu pieux, un leurre total. Pourquoi me priver de ce qui me passionne et me sert si souvent de carburant ? Or, cette passion a un prix.

Plusieurs études le confirment : réduire sa consommation de nouvelles rend plus heureux. Il n’est pas difficile de le croire, car il semble y avoir un certain parfum de fin du monde dans chaque bulletin de nouvelles.

Trop de manchettes rappellent que la Terre brûle, qu’elle est en guerre et souvent injuste et que trop d’idiots la dirigent.

Et comme dernier clou dans le cercueil : pour terminer l’année, le Washington Post a publié un article au sinistre titre : « Fun is dead » (librement traduit par « la rigolade n’existe plus »). Dans cet excellent papier, la journaliste Karen Heller écrit que « deux choses sont claires : le plaisir est en grave difficulté et nous avons désespérément besoin de joie ».

Quelle agréable surprise alors d’avoir retrouvé un essentiel mélange d’optimisme et de rêverie par l’entremise de quatre médias différents, pendant les Fêtes. Grâce à eux, j’ai trouvé les pansements à mes maux, et le ton à adopter pour 2024. Des extraits éclairants qui m’ont rappelé l’importance de la perspective.

Dans Le Nouvelliste (celui d’Haïti, pas celui de Trois-Rivières)

Fondé en 1898, Le Nouvelliste est le plus influent quotidien en Haïti. J’adore et trouve important de lire les éditoriaux de Frantz Duval, le rédacteur en chef du journal, pour mieux comprendre le pays et ses défis. À quelques jours de 2024, M. Duval écrivait : « Cette année, les vœux ont une saveur particulière, le goût de l’espoir dans un pays où il faut croire qu’il est possible de continuer à construire et où il faut que chacun se mette en position de rebondir. Nous avons pris le pari de ne pas décourager ceux qui ne le sont pas encore. » Ne pas décourager ceux qui ne le sont pas encore ? Tiens, cela me paraît être une devise qui devrait être adoptée par tous, partout, tout le temps.

PHOTO AMY HARRIS, ASSOCIATED PRESS

Le musicien Jon Batiste, vedette du documentaire American Symphony

Dans le documentaire American Symphony, sur Netflix

American Symphony est un documentaire biographique mettant en vedette le musicien Jon Batiste. Son récit est émouvant et marie des moments de grande célébration à d’autres de grande tristesse. Dans un passage que j’ai réécouté plusieurs fois, Jon Batiste dit – comme une prière – que « nous devons confronter la brutale réalité que nous allons peut-être échouer. Mais en même temps, il faut avoir une foi entière et inébranlable ». Et c’est vrai. Il faut croire au meilleur, même quand croire au pire est plus facile et plus évident.

PHOTO STEPHANIE LECOCQ, REUTERS

Paris se prépare à accueillir les Jeux olympiques.

Dans le journal Libération

Le cauchemar annoncé que pourraient être les Jeux olympiques à Paris, l’été prochain, ressemble au cauchemar qui guettait toutes les villes hôtes depuis les premiers Jeux. Des bouquinistes déplacés aux délais de construction, ce qu’on couvre surtout, ces jours-ci, est ce qui va mal dans les préparatifs. Le 2 janvier dernier, le journal Libération posait en grand titre en frontispice : « Paris 2024 : Et si tout se passait bien ? » … comme pour ne pas décourager ceux qui ne l’étaient pas encore.

Dans l’article qui accompagne le titre d’espoir, la journaliste Alexandra Schwartzbrod propose d’envisager ces Jeux olympiques à venir comme une fête et non une calamité. Elle y rappelle aussi que le pire n’est jamais sûr et que « ces Jeux olympiques, finalement, arriveront pile au bon moment pour nous convaincre que les pays de ce monde ne sont pas seulement voués à se faire la guerre ». Après avoir lu l’article, je n’ai jamais eu aussi hâte de voir une course de 100 m ou un plongeon de la plateforme de haut vol.

PHOTO HAIYUN JIANG, THE NEW YORK TIMES

Dave Chappelle présente The Dreamer sur Netflix.

Dans The Dreamer sur Netflix

À l’occasion, on ne se tromperait pas de prendre l’humoriste américain Dave Chappelle pour un anthropologue. Son plus récent opus est The Dreamer, offert sur Netflix depuis la fin du mois de décembre. Chapelle a été très critiqué depuis deux ans. Les temps changent, mais il résiste. Il y a certes matière à débat, mais le moment le plus vulnérable de Dave Chappelle dans The Dreamer a été mon préféré. À quelques minutes de la fin de son spectacle, en crescendo, Chapelle rappelle que dans notre vie, à un moment précis, c’est le rêve le plus intense qui l’emporte sur le moment. Une fin parfaite pour un début narré par l’acteur Morgan Freeman qui suggère de « ne pas être intimidé par l’audace de nos rêves — mais de s’en laisser inspirer ».

Plusieurs choses peuvent être vraies en même temps. Nous pouvons être bien au courant de ce qui va mal tout en ayant assez de foi pour croire que ça ira mieux. Et ceux qui ne voient le verre qu’à moitié vide n’ont pas le droit de décourager ceux qui le voient presque rempli.

Il semble plus difficile de rêver ces jours-ci. Mais ce monde devrait appartenir aux rêveurs. Alors à nous, les rêveurs, je souhaite une bonne année 2024.

Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue