Mine de rien, après son « autumnus horribilis », le premier ministre François Legault a eu un début d’hiver plutôt productif : adoption, sous le bâillon, mais c’était à prévoir, de la loi instituant l’agence Santé Québec et adoption de la réforme de l’éducation du ministre Bernard Drainville.

En même temps, le gouvernement a conclu des ententes de principe avec la grande majorité de ses employés. On ne connaît pas encore tous les détails – surtout sur les conditions de travail – et, bien sûr, l’impasse persiste avec les infirmières. Le processus n’est donc pas encore terminé, mais le gros du travail semble avoir été fait.

Mais, ce faisant, M. Legault s’est donné une énorme obligation de résultat. Parce que son gouvernement sera jugé précisément sur les enjeux des deux plus importants ministères de l’État québécois.

La question de l’urne sera inévitablement : mais est-ce que ça va mieux ?

Est-ce que la situation s’est améliorée dans les écoles ? Est-ce que le système de santé a pu réduire les listes d’attente et avoir des salles d’urgence plus efficaces ?

Pour cela, il faut que ces deux réformes qui sont essentiellement des changements structurels et bureaucratiques donnent des résultats concrets et tangibles dans les écoles et les hôpitaux. C’est loin d’être assuré.

En fait, dans les deux réformes, on retrouve certaines des signatures de la Coalition avenir Québec (CAQ) : on élimine les contre-pouvoirs et on centralise.

À l’automne, on a fait en sorte que Santé Québec deviendra le principal employeur au Canada, et le gouvernement s’est arrogé les pouvoirs de nommer et de congédier les dirigeants des centres de services scolaires qui ont remplacé les anciennes commissions scolaires.

Dans les écoles ou les hôpitaux, ça ne veut pas dire un professeur ou une infirmière de plus. C’est essentiellement un changement de structure qui se passe, forcément, assez loin de ce qui peut se passer sur le terrain. Même le plus brillant des « top guns » peut se retrouver isolé dans un bureau.

Parce que si vous discutez avec ceux qui travaillent dans les écoles ou les hôpitaux, ce n’est pas de réformes de structure qu’ils vous parleront.

Dans les hôpitaux, on vous parlera du privé qui prend de plus en plus de place, des équipements vétustes et des listes d’attente qui n’en finissent plus de s’allonger.

Dans les écoles, on vous parlera de l’école à trois vitesses dont le gouvernement ne veut tout simplement pas entendre parler, de la composition des classes, de la violence de plus en plus courante au sein même des classes.

De prime abord, les réformes du gouvernement Legault ne touchent aucunement à ces réalités que connaissent bien les professeurs, les infirmières, les parents et les patients. Il est, bien sûr, important que la gouvernance des réseaux soit la plus efficace possible. Mais ça ne fait pas foi de tout.

Le danger, c’est qu’en santé comme en éducation – bien que par des moyens différents –, on court le risque d’éloigner encore davantage ceux qui prennent les décisions de la réalité du terrain.

Et malgré les meilleures intentions du monde et même avec les personnes les plus compétentes, il est toujours difficile de maintenir ce contact, pourtant essentiel, quand on a affaire à d’aussi grands réseaux.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Dans les écoles, l’adoption de la réforme de l’éducation du ministre Bernard Drainville ne veut pas dire un professeur de plus…

Quand on sait qu’il y a environ 135 000 enseignants dans le système d’éducation – ce qui n’inclut pas le personnel de soutien – et plus de 300 000 employés dans le réseau de la santé, on est en droit de se demander si une telle centralisation des pouvoirs est le meilleur moyen d’assurer plus d’efficacité.

Même s’il espère que ses réformes donneront des résultats tangibles avant les élections d’octobre 2026, le gouvernement Legault aura besoin de temps.

Or, même les auteurs de ces réformes croient que ce qui reste du mandat du gouvernement ne sera pas suffisant. Le ministre de la Santé, Christian Dubé, croit qu’il faudra cinq ans pour que Santé Québec atteigne sa vitesse de croisière. Ce qui est d’autant plus plausible que le réseau de la santé n’avait pas encore fini de digérer la dernière réforme, celle de Gaétan Barrette, qui est entrée en vigueur en 2015.

Par ailleurs, les conventions collectives que l’on vient de négocier ne se termineront qu’en 2028, donc bien après les prochaines élections. Ce qui fait que la campagne électorale devrait se dérouler dans une période de relative paix sociale et ne devrait pas être perturbée par des moyens de pression des employés de l’État.

Reste qu’en ouvrant des chantiers aussi vastes, le gouvernement Legault se retrouve avec une énorme obligation de résultat. Il sera largement jugé sur le succès ou l’échec de ses réformes de la santé et de l’éducation.

C’est un gros pari, d’autant que l’opinion publique en a vu d’autres et a bien du mal à croire que, cette fois, ce sera la bonne.

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