Ce n’est pas pour me vanter, mais dimanche dernier, j’ai reçu un texto du ministre de l’Environnement du Québec, Benoit Charette.

Un texto qui parlait… de hockey.

« J’ai vu que Josh Anderson a marqué 2 buts dans une seule période hier », m’a-t-il écrit avec un clin d’œil en émoji.

J’avoue que j’ai ri.

Mes rapports avec le ministre sont strictement professionnels. Nous n’avons pas l’habitude d’échanger sur le rendement des joueurs du Canadien. Mais dans une chronique récente, j’écrivais que le Québec n’en fait pas assez pour le climat. Je comparais la province à l’attaquant du Canadien Josh Anderson, alors en pleine léthargie⁠1.

Depuis, Anderson est en feu – il a compté deux fois samedi, puis ajouté un but et une passe, lundi. Le ministre n’allait pas laisser passer pareille occasion. Surtout que, comme Anderson, il a des faits d’armes à faire valoir ces jours-ci.

Lundi, on apprenait que les ventes de véhicules électriques sont en forte hausse au Québec et atteignent 23 % des véhicules neufs. Selon les experts, cela démontre l’efficacité de la réglementation québécoise sur les véhicules zéro émission.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Le ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, Benoit Charette, était de passage à La Presse mardi.

Le lendemain, le ministre a tenu à nous rendre visite à La Presse pour nous présenter un rapport rédigé par la très sérieuse firme Dunsky et qui affirme que le « cadre de gouvernance climatique » du Québec se classe parmi les meilleurs au monde.

Puis, mercredi, le bilan des émissions du Québec pour 2021 a été dévoilé. Il était très attendu. L’an dernier, les émissions de 2020 avaient montré une baisse, mais il était bien difficile de savoir si celle-ci était attribuable aux actions climatiques ou à la pandémie.

Les chiffres de 2021 montrent une hausse par rapport à l’anomalie de 2020, mais une baisse par rapport à 2019. Des prévisions pour 2022 (enfin !) suggèrent que ça remontera un peu, mais tout en restant sous le niveau prépandémique. Le ministre Charette estime que c’est le signe qu’on a finalement « cassé » la courbe.

D’où la question : comme Josh Anderson, le Québec est-il sur une lancée ? Les efforts qui ne montraient pas de résultats immédiats sont-ils en train de payer ? Les critiques (j’en suis) ont-ils été injustes ?

Ce serait une bien belle histoire. Et si elle se concrétise, je serai le premier à applaudir. Mais je ne crois pas que nous en sommes là.

Oui, le gouvernement Legault agit pour abaisser nos émissions de gaz à effet de serre. La réglementation sur les véhicules électriques nous place parmi les leaders nord-américains, avec la Colombie-Britannique et la Californie. Un projet de loi sur la performance environnementale des bâtiments vient d’être présenté à Québec. En entrevue, le ministre Charette nous a dit vouloir s’attaquer à la question du gaz naturel l’an prochain – j’avoue avoir très hâte de voir ce qu’il nous prépare.

Même si le rapport Dunsky dévoilé cette semaine a ses limites (il évalue le cadre de gouvernance et non l’efficacité des mesures prises), il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas en conclure qu’il y a du bon dans l’approche de Québec.

Le rapport souligne notamment l’honnêteté de ne comptabiliser que les émissions découlant de mesures implantées et financées. On vante aussi la qualité de la modélisation et une « reddition de comptes détaillée ».

Les chiffres dévoilés mercredi laissent aussi présager le début d’une tendance à la baisse. Une baisse modeste et tardive, mais encourageante.

Cela étant dit, si les experts, les environnementalistes et les chroniqueurs talonnent le gouvernement pour qu’il en fasse plus, ce n’est pas par mauvaise foi. Ce n’est pas, non plus, un déni de ce qui se fait. C’est simplement que le défi climatique est immense que les actions doivent l’être aussi.

Or, il me semble encore clair que le Québec peut et doit en faire plus pour se décarboner.

La bête noire du Québec est le secteur des transports, qui compte toujours pour 43 % des émissions. La baisse annoncée mercredi (-9,5 % entre 2021 et 2019) est encourageante. Mais puisque ces émissions ont explosé au cours des dernières décennies, le secteur devra réduire ses émissions de moitié d’ici 2030 pour atteindre sa cible. Je répète. De moitié. En six ans. Le ministre Charette soutient encore que c’est « jouable », mais c’est un défi absolument titanesque.

Or, la stratégie de Québec pour l’atteindre consiste essentiellement à électrifier graduellement le parc de véhicules. En entrevue avec La Presse, le ministre Charette a réitéré qu’il ne comptait s’attaquer ni au nombre de voitures ni à leur taille.

« On n’est pas ceux qui veulent juger du choix des consommateurs », a-t-il dit.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Si le Québec souhaite réduire ses émissions de GES de moitié d’ici 2030, le secteur des transports devra réduire son empreinte de moitié en six ans pour atteindre sa cible.

La Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal a pourtant montré que les VUS sont désormais le principal facteur qui pousse nos émissions à la hausse. Et chaque VUS vendu aujourd’hui (il s’en vend à la tonne, littéralement) continuera de polluer en 2030.

Là-dessus, il faut bien conclure que la Coalition avenir Québec (CAQ) est dogmatique et qu’elle refuse de prendre ses responsabilités.

Contrairement à l’Ontario, le gouvernement du Québec continue aussi d’investir deux fois plus dans les routes que dans les transports en commun.

L’autre angle mort majeur, sur lequel le gouvernement est très transparent, c’est que 40 % des efforts pour atteindre la cible de 2030 ne sont même pas encore identifiés Or, une mesure environnementale met du temps avant de produire ses fruits. Six ans avant l’échéance, l’urgence devrait être maximale.

La question n’est donc pas de savoir si le gouvernement Legault fait un travail sérieux en environnement. C’est le cas. La question est de savoir s’il fait de la lutte contre les changements climatiques le projet de société qu’il doit être et qui teinte chacune de ses décisions. Ce n’est pas ce qu’on voit.

Bien sûr que ça revient à exiger énormément de nos élus. Mais c’est ce que commande la science pour livrer un monde habitable à nos enfants et à nos petits-enfants.

Quant à savoir si Josh Anderson se dirige vers une saison de 50 buts, les paris sont ouverts.

Dans une version précédente de ce texte, nous écrivions que les prévisions pour 2022 suggèrent que les émissions ne remonteront pas. Elles prévoient en fait une légère remontée, mais en restant sous le niveau pré-pandémique. Nos excuses.

1. Lisez la chronique « Le Québec, Josh Anderson et la COP28 » Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue