Un récent sondage plaçant le Parti québécois (PQ) en tête des intentions de vote a eu l’effet d’un coup de tonnerre dans le paysage politique québécois. Mais dans notre système politique, il n’y a que le nombre de députés qui compte.

Le sondage indique une donnée qui a quand même son importance : le pourcentage des voix détermine largement quelle serait la marge de manœuvre d’un nouveau gouvernement dans une Assemblée nationale à cinq partis… mais sans majorité.

Essayons de voir plus loin, avec un peu de politique fiction en cette fin d’année. D’abord, rappelons les résultats du dernier sondage Léger : le PQ obtiendrait 31 % des voix et la Coalition avenir Québec (CAQ) tomberait à 25 %. Suivent Québec solidaire (QS) avec 17 %, le Parti libéral (PLQ) avec 14 % et le Parti conservateur avec 11 %.

Traduisons les intentions de vote des Québécois en sièges, ce que fait avec une efficacité remarquable le site Qc125.com de Philippe J. Fournier. Cela donnerait une projection probable de sièges de 57 pour le PQ, 27 pour le PLQ qui demeurerait l’opposition officielle, 19 pour la CAQ, 15 pour QS et les conservateurs feraient leur entrée à l’Assemblée nationale avec 7 députés. Une Assemblée nationale non seulement très divisée, mais avec un gouvernement minoritaire.

Évidemment, on parle ici des meilleures projections possibles, mais avec une grande marge d’appréciation. Ainsi, selon Qc125.com, le PQ aurait entre 35 et 75 sièges et la CAQ aurait également une grande marge, soit entre 6 et 45 sièges.

Fin de la soupe aux chiffres.

Une première observation est que c’est le PQ de Paul St-Pierre Plamondon qui formerait le gouvernement, mais il serait très probablement minoritaire.

Historiquement, le chiffre de 30 % des voix a donné des résultats très différents pour le PQ. C’est ce qu’il avait obtenu en 1973, à sa deuxième campagne électorale, pour un résultat de seulement six sièges. Mais, en 2012, avec à peine plus, soit 31,9 % des voix, Pauline Marois obtenait 54 sièges et un gouvernement minoritaire.

La première question qui se poserait alors pour le premier ministre St-Pierre Plamondon porterait nécessairement sur sa promesse de tenir un référendum sur la souveraineté au cours de son premier mandat. Le pourrait-il si sept Québécois sur dix ont voté pour des partis qui s’opposent à la tenue du référendum ?

Il pourrait sans doute compter sur des voix provenant de Québec solidaire – qui est officiellement souverainiste même si les sondages montrent qu’environ la moitié de ses partisans ne le sont pas – et peut-être quelques conservateurs. Mais on serait encore loin du compte.

Mais surtout, est-ce qu’un gouvernement péquiste prendrait le risque de demander à une troisième génération de Québécois de dire non à la souveraineté ? Avec un gouvernement minoritaire et une coalition pour le Oui plutôt fragile, c’est loin d’être évident.

Ce qui ne sera pas évident non plus, ce sera la capacité du gouvernement de faire adopter ses projets de loi par une Assemblée nationale aussi fragmentée. On se souvient de l’épisode de la Charte des valeurs du PQ de Pauline Marois, qui était populaire dans les sondages, mais qui n’a pu rassembler une majorité à l’Assemblée nationale.

Une autre inconnue dans l’équation politique est l’ampleur de la défaite de la CAQ – si défaite il y a, évidemment. On parle ici de sondages et de projections d’élections qui n’auront lieu que dans trois ans.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Pour la Coalition avenir Québec et son chef, le premier ministre François Legault, les récents sondages laissent entrevoir une députation de 6 à 45 députés.

Mais dans la projection de Qc125.com, le parti fondé par François Legault pourrait avoir de 6… à 45 députés. Ce qui nous ramène à la dure réalité de notre système politique : à la fin, il n’y a que le nombre de députés qui compte.

Ce qui signifie qu’une éventuelle victoire péquiste (ou d’un autre parti) devrait se faire à l’arraché, circonscription par circonscription, et que la campagne électorale se jouerait sur la capacité des partis de l’opposition de battre des députés caquistes implantés localement depuis huit ans. C’est possible – notre système politique a tendance à amplifier les vagues, souvenez-vous de la vague orange… –, mais quand même pas certain.

Surtout que, parlant de vagues, la CAQ est actuellement au creux de la sienne et qu’il reste trois ans dans son mandat. Beaucoup de temps, donc, pour François Legault et son équipe afin de redresser la barre.

Mais il faudra que les réformes de la santé et de l’éducation donnent les résultats escomptés, et on peut quand même douter qu’autant de centralisation soit la solution.

Enfin, assez gros changement dans la vie de l’Assemblée nationale, un cinquième parti pourrait y faire son entrée, le Parti conservateur du Québec, probablement avec un nombre de députés insuffisant pour former un groupe parlementaire reconnu, mais avec le droit de parole sur les dossiers.

Et à cinq partis, ce ne serait possiblement que le début d’une longue série de gouvernements minoritaires. Aussi bien s’habituer.

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