Sous Justin Trudeau, la politique étrangère du Canada est comme une courtepointe de bons et de mauvais jours. Parfois, le Canada est un pays qui a des principes et les défend. Mais c’est aussi un pays qui s’est fait une réputation de se mettre spectaculairement les pieds dans le plat.

Quand Justin Trudeau s’est levé en Chambre, la semaine dernière, pour accuser l’Inde d’avoir fait assassiner au Canada un citoyen canadien qui était un leader de la communauté sikhe, il a été critiqué dans certains milieux. Mais, au moins, le premier ministre a suivi les principes qu’il a énoncés dans tous les forums internationaux. Le Canada appuie la primauté du droit et des relations internationales fondées sur des règles.

Évidemment, certains ont dit qu’on ne devrait pas s’attaquer à l’Inde, récemment devenue le pays le plus peuplé au monde et qui est une superpuissance en devenir.

Mais on ne peut pas faire de grands discours sur la primauté du droit et ensuite se taire quand on a des preuves que l’Inde a commandité un assassinat politique en territoire canadien. D’autant que le premier ministre Trudeau avait eu des preuves que des diplomates indiens en poste à Ottawa avaient discuté de la préparation de l’attentat.

On peut se dire que le Canada aurait mieux fait de ne pas soulever cette affaire pour ne pas nuire à sa propre politique étrangère qui, voulant contrer la Chine, indiquait qu’il fallait plutôt se rapprocher des pays de la zone indo-pacifique.

Mais peut-on vraiment croire qu’un autre pays du G7 aurait tout simplement passé l’éponge sur un attentat contre un de ses citoyens, sur son sol, et commandité par un autre pays ? Ce serait assez difficile à défendre.

PHOTO JUSTIN TANG, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le premier ministre Justin Trudeau quitte la Chambre des communes, le 18 septembre, après avoir déclaré que l’Inde avait commandité l’assassinat du militant sikh Hardeep Singh Nijjar sur le territoire canadien.

Évidemment, les alliés du Canada n’auront pas applaudi très fort aux révélations du gouvernement Trudeau. Ils veulent bien naturellement préserver leurs propres relations avec l’Inde. Mais ils ont tout de même, bien que parfois assez discrètement, soutenu la position du Canada.

D’ailleurs, une partie du renseignement prouvant que le gouvernement indien était impliqué dans l’assassinat de Hardeep Singh Nijjar – considéré par l’Inde comme un terroriste sikh – venait des « Five Eyes », l’alliance qui regroupe les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada.

Mais, comme l’avait dit le président français Jacques Chirac, les problèmes – en fait, il avait utilisé un mot moins poli –, « ça vient en escadrille ». Et il se trouve que le Canada doit vivre avec une gaffe majeure, avec cette ovation à un ancien Waffen-SS en pleine Chambre des communes, pendant la visite du président ukrainien Volodymyr Zelensky.

Le président des Communes, Anthony Rota – qui avait invité cet ancien nazi de 98 ans – a dû démissionner. Mais le mal était fait. La Russie et ses alliés se font un malin plaisir à y voir une « preuve » que le prétexte pour déclencher une guerre contre l’Ukraine était pour « dénazifier » le pays.

L’incident est d’autant plus malheureux que le Canada est un des soutiens de la première heure de l’Ukraine. En plus, le président Zelensky avait bien besoin d’une bonne visite officielle à Ottawa après une réception plutôt tiède à Washington quelques jours plus tôt.

PHOTO KEVIN LAMARQUE, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky en compagnie du président américain Joe Biden à Washington, le 21 septembre

Aux États-Unis, l’aide à l’Ukraine est devenue un enjeu partisan au point où le président républicain de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, a refusé d’être photographié avec le président Zelensky lors d’une rencontre privée.

Mais au lieu de terminer son voyage nord-américain avec un grand succès, M. Zelensky a dû repartir avec une controverse dont il se serait bien passé et avec une victoire de propagande pour son adversaire russe dont il continuera d’entendre parler pendant encore longtemps.

Le Canada aussi d’ailleurs. C’est le genre d’erreur qui a fait le tour du monde et qui donne l’impression que le Canada ne prend pas toujours assez au sérieux les affaires internationales.

Les représentants canadiens à l’étranger ne le disent pas tout haut, mais ils ont assisté, au cours des dernières années, à une lente érosion de l’aspect plus diplomatique de leur travail alors que les sections commerciales des ambassades sont devenues de plus en plus importantes.

De même, la réputation du Canada comme l’un des piliers des missions de maintien de la paix des Nations unies est chose du passé. Au début de cette année, le Canada avait moins d’une centaine de militaires au service de l’ONU. La plus importante contribution internationale étant en Lettonie, où 700 militaires canadiens sont en mission pour l’OTAN.

L’OTAN, qui demande à ses membres de consacrer 2 % de leur PIB à la défense. Le Canada, lui, se contente de 1,3 %.

Les Forces canadiennes ont aussi comme mandat de transporter le premier ministre et les délégations canadiennes lors de leurs voyages à l’étranger.

Le fait que M. Trudeau ait été cloué en Inde pendant deux jours à cause d’une panne de son avion est évidemment une malchance. Mais, franchement, ça ne fait pas tellement « pays du G7 ».

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