« Quelque chose de dangereux se passe actuellement en Amérique. Il existe un mouvement extrémiste qui ne partage pas les convictions fondamentales de notre démocratie : le mouvement MAGA […]. Il ne cache pas ses attaques. Il en fait ouvertement la promotion – attaquant la presse libre comme l’ennemi du peuple, attaquant l’État de droit comme un obstacle, fomentant la répression des électeurs et la subversion électorale. »

À l’approche d’une campagne cruciale, le président Joe Biden multiplie les avertissements au sujet des dangers qui pèsent sur la démocratie américaine. Cette déclaration, il l’a faite à Tempe, en Arizona, tandis qu’il rendait hommage au regretté sénateur républicain John McCain.

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Donald Trump crie à la foule après avoir pris la parole lors d’un rassemblement au New Hampshire, le mois dernier.

Le mouvement MAGA, c’est le cri de ralliement qu’utilise Donald Trump depuis 2016 : Make America Great Again (Rendre sa grandeur à l’Amérique). Ce mouvement est bien vivant, comme le démontrent les sondages qui placent l’ancien président solidement en tête pour remporter les primaires du Parti républicain.

Ce que je trouve troublant à propos du soutien qu’obtient Donald Trump, c’est qu’il présente de nombreux attributs d’une secte.

Bruce Strokes, chercheur invité au German Marshall Fund et membre du Council on Foreign relations, un groupe de réflexion américain

Dans une présentation qu’il a faite lors d’un webinaire organisé par l’Institut canadien des affaires mondiales, au début en septembre, M. Strokes a relevé que 71 % des partisans de Donald Trump disent qu’ils font davantage confiance à l’ex-président qu’à leurs chefs religieux, selon un sondage mené par CBS. « Ils font aussi plus confiance à Trump qu’à leurs amis et à leur famille. Cela est assez proche de ce que vous trouveriez dans une secte. De plus, Trump a réussi à convaincre ses partisans qu’une attaque contre lui est une attaque contre eux. »

À environ un an de l’élection présidentielle, les astres politiques s’alignent pour que l’on assiste à un duel revanche entre Joe Biden et Donald Trump. Tous les sondages publiés au cours des derniers mois démontrent que la lutte s’annonce très serrée.

L’une des questions qui demeurent en suspens est de savoir si Donald Trump se verra barrer la route pour une troisième campagne électorale par les tribunaux. Dans deux États – le Colorado et le Minnesota – des citoyens ont entrepris des démarches devant la justice pour le faire déclarer inéligible en raison du rôle qu’il a joué dans l’assaut du Capitole. Dans les deux poursuites, on invoque la section 3 du 14e amendement de la Constitution américaine, qui précise qu’une personne qui a prêté serment pour défendre la loi fondamentale du pays devient inéligible après « avoir pris part à une insurrection ou une rébellion » contre les représentants de l’État. Les chances de succès de ces démarches restent difficiles à évaluer.

Un président vulnérable

Selon l’ancien sénateur républicain de la Géorgie Saxby Chambliss, qui a servi au Sénat de 2003 à 2015, quatre facteurs vont guider le choix des électeurs durant la campagne présidentielle : l’économie, la sécurité nationale et le taux de criminalité dans les grandes villes, l’arrivée massive de migrants à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, et l’état de santé du président sortant.

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Joe Biden s’adresse à la nation à partir du bureau Ovale de la Maison-Blanche à Washington, le mois dernier.

Dans une entrevue accordée à La Presse, il a soutenu que le président Biden est vulnérable sur plusieurs fronts. M. Chambliss a représenté au Congrès un État qui a joué un rôle déterminant dans la victoire de Joe Biden en 2020. Les changements démographiques font en sorte que la Géorgie, un bastion républicain, est devenue un État pivot au dernier scrutin.

« Nous sommes à environ [un an] de l’élection. En politique, c’est une éternité. Bien des évènements peuvent survenir entre maintenant et novembre 2024. Mais l’économie demeure l’enjeu le plus important. Les gens en Amérique ont tendance à voter en fonction des enjeux qui touchent leur portefeuille, comme c’est le cas dans d’autres démocraties. Notre économie connaît encore des difficultés après la COVID. Dans l’ensemble, les politiques de Biden n’ont pas fait bouger l’aiguille de l’économie dans une direction qui pourrait être favorable à son administration l’an prochain », analyse-t-il.

La crise migratoire au sud de la frontière « a explosé », et l’administration Biden a longtemps « fermé les yeux » sur cette question, selon M. Chambliss, qui a aussi siégé à la Chambre des représentants pendant quatre mandats, de 1995 à 2003, et demeure engagé dans le milieu du renseignement.

Le président a aussi commis quelques faux pas qui sont peut-être liés à son état de santé. Je me fie aux experts de la santé. Mais cela fait aussi partie de la réflexion des gens.

Saxby Chambliss, ancien sénateur républicain de la Géorgie

L’appui financier et militaire qu’ont accordé jusqu’ici les États-Unis à l’Ukraine est loin de faire l’unanimité au sein de la classe politique et de la population. « Le conflit en Ukraine divise les Américains. Est-ce que les États-Unis devraient continuer les efforts actuels ou devrait-on laisser les Européens s’occuper de ce conflit ? Nous ne sommes pas le shérif de la planète, même si nous sommes, sur le plan militaire, le pays le plus puissant au monde », a-t-il souligné.

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La Chambre des représentants, à Washington, peu après l’élection de son nouveau président, le républicain Mike Johnson

L’ancien sénateur souligne que la prochaine élection sera très serrée, comme les présidentielles le sont depuis la fin de l’ère Ronald Reagan. « Notre pays est très divisé », a-t-il dit, affirmant qu’il ne faut guère écarter une victoire de Donald Trump. « Je crois que l’administration Biden aura de la difficulté à convaincre une majorité des électeurs en raison des enjeux dominants que nous connaissons à l’heure actuelle. Aussi, les politiques de l’administration Trump ont été très bonnes pour notre économie. Les gens s’en souviennent. »

Peu importe l’issue de la campagne présidentielle, il soutient que les relations entre le Canada et les États-Unis « vont demeurer solides ».