Le documentaire de Michel Langlois, Mère et monde, prend l'affiche ce soir à Montréal. C'est un retour attendu au grand écran du réalisateur de Cap Tourmente - avec Roy Dupuis, en 1993 - qui s'inspirait des mêmes faits réels que son documentaire psychologique.

Michel Langlois parle beaucoup. Contrairement aux membres de la famille Desgagnés, sujets de son documentaire Mère et monde qui a été montré en première mondiale au Festival de Nyon, en France l'an dernier.

Homme de passions et de mots, le cinéaste dit tout ou presque. Mais il garde aussi une certaine pudeur, comme son film, par respect pour cette famille d'aubergistes de Charlevoix qu'il aime, justement, passionnément.

«Avec Mère et monde, je ne voulais plus me cacher, mais je le fais encore. Dans le fond, je pouvais m'ouvrir un peu, mais pas plus qu'eux, pense-t-il. Je savais ce qu'ils ne voulaient pas dire, là où ils ne voulaient pas aller. Il n'était pas question de le faire ou de le dire à leur place. Comme un ami m'a dit: tu as l'art de t'exposer sans t'exhiber.»

La mère du titre c'est Yvonne, 90 ans, brillante, mais secrète. Devant la caméra, elle finira par montrer sa vulnérabilité. Son monde, ce sont ses enfants, filles et fils, présents ou absents au tournage, qui se dévoilent aussi par bribes. Dans ce casse-tête freudien aux relations troubles, Michel Langlois apparaît tel celui par qui les choses arrivent.

Toute ressemblance avec Cap Tourmente, son film de fiction de 1993, n'est donc pas un hasard. Même si ce qui est réellement arrivé ou imaginé entre les uns et les autres reste dans le non-dit, les silences et les phrases énigmatiques, la tension et l'émotion sont palpables.

«C'était un travail colossal de montage de Natacha Dufaux, avoue le cinéaste. Quand on ouvre plein de parenthèses, comme les personnages dans le film, sans jamais les refermer, au montage c'est très difficile.»

À l'aide d'extraits de Cap Tourmente, le documentaire propose plusieurs pistes de réflexion sur les frontières entre réalité et fiction, entre amour et amitié, entre cinéma direct et film autobiographique. Être dans son film ou pas, telle est la question.

«Plusieurs cinéastes trouvent ça indécent, note-t-il. Quelqu'un m'a fait réfléchir en disant qu'un réalisateur qui fait des choix, comme le casting pour un documentaire, est tout autant présent dans son film finalement.»

L'important ce sont les relations humaines et ce qu'il en reste chez des gens qui ont partagé beaucoup au cours des ans. Michel Langlois affirme que ce film l'a «remis au monde» en quelque sorte.

En cours de tournage, il a poursuivi Geneviève Desgagnés jusqu'au Mexique où elle demeure non loin de son frère Simon, deux êtres qui ont jadis été très proches de lui. La rencontre n'a pas eu lieu, mais comme dans toute quête, c'est le voyage qui compte.

Un retour

Ce retour au cinéma pour Michel Langlois survient après une période de deux ans où il a vaincu un cancer. Son dernier documentaire, Le fil cassé, remonte à 2002; sa dernière fiction reste Cap Tourmente, un projet très ambitieux, reconnaît-il.

«Le film voulait dire trop de choses à la fois, dit-il. Au bout d'un certain temps, on demande beaucoup au spectateur. Aujourd'hui, ce serait presque considéré comme un succès puisqu'il a été six semaines à l'affiche.»

Cet «échec» lui a valu «le banc des pénalités», dit-il. Plusieurs années de refus des institutions ont suivi. Pourtant, il venait de faire en quatre ans, trois longs métrages et deux courts. De 1996 à 2003, il a été directeur pédagogique de l'Institut national de l'image et du son.

Aujourd'hui, il dit plus que jamais «avoir le goût du cinéma». Il brasse des projets de fictions et de documentaires. Les gens qu'il aime, vus dans le filtre qu'il est et qu'il assume pleinement, en ont encore à inspirer.