Pour son premier long métrage de fiction, Stéphane Moukarzel souhaitait atteindre un équilibre bien précis entre le drame et la comédie. Avec l’aide de son coscénariste, Germain Larochelle, il a pondu une histoire singulière et divertissante sur l’ouverture à l’autre. Nous avons rencontré une partie de l’équipe quelques jours avant la sortie du film.

C’est en entendant un ami raconter son expérience en tant que vendeur de sapins à New York que le cinéaste Stéphane Moukarzel a su qu’il avait trouvé un terrain de jeu parfait où camper son premier long métrage, qu’il voulait surtout cocasse.

« Je trouvais qu’il y avait énormément de potentiel comique et insolite, mais aussi atmosphérique. Je voyais quelque chose là-dedans », explique-t-il.

PHOTO LAURENCE GRANDBOIS BERNARD, FOURNIE PAR MAISON 4:3

Scène de Sapin$

Sapin$, produit par Ziad Touma, met en scène Rémi (Étienne Galloy, vu dans les séries Les bracelets rouges et Haute démolition), 21 ans, endetté de près de 15 000 $ à la suite d’un accident. Pour rembourser ce qu’il doit, le jeune homme saute à bord d’un autocar, direction la Grosse Pomme, pour aller vendre des arbres de Noël. Il va y rencontrer Laura (Diane Rouxel, vue dans les films Terre des hommes et Marche ou crève), une écologiste française téméraire qui se reconstruit après un épuisement militant.

Je voulais présenter un voyage initiatique, de découvertes et d’apprentissages. Alors ça me prenait un personnage qui est poussé hors de sa zone de confort. Et Rémi ne serait jamais allé là par lui-même.

Stéphane Moukarzel, réalisateur

Pour les interprètes des rôles principaux, Étienne Galloy et Diane Rouxel, la lecture du scénario ne laissait aucun doute : le potentiel comique du kiosque à sapins a été bien exploité. « Ça m’a fait mourir de rire », affirme d’emblée celle qui joue Laura. « Moi aussi, complètement crampé, ajoute Étienne Galloy. Et c’était juste tellement dans mes cordes. »

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Le réalisateur Stéphane Moukarzel entouré des comédiens Étienne Galloy et Diane Rouxel

C’est un peu différent pour Diane Rouxel, qui avait surtout joué dans des drames auparavant, mais qui voulait depuis longtemps expérimenter la comédie : « Il y a un truc plus libre dans le ton comique. J’avais envie d’être un personnage qui n’a rien à cacher, donc ce film fait beaucoup de bien. »

La communauté au cœur du récit

Même s’il s’agit avant tout d’une comédie de situation, de nombreux thèmes sociaux traversent Sapin$. Au cœur du récit, la communauté bronxoise que les deux jeunes vont apprivoiser. Rémi va se lier d’amitié avec des commerçants et apprendre des leçons importantes grâce aux « patenteux » de la rue.

« À la fin de son périple, Rémi n’a pas nécessairement accompli sa mission de ramasser tout plein d’argent, mais il a acquis beaucoup plus : une expérience de vie, des rencontres, une ouverture et des outils pour affronter le reste de sa vie », souligne le réalisateur. Celui qui est né au Liban et a grandi en Côte d’Ivoire croit qu’aller vers l’autre est peut-être le seul remède à la montée de l’extrême droite et à la xénophobie.

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Le réalisateur Stéphane Moukarzel

S’il y a un message dans le film, c’est qu’il faut s’exposer à d’autres réalités. C’est ça qui nous rend plus humains et c’est comme ça qu’on entretient le tissu social.

Stéphane Moukarzel, réalisateur

« C’est très enrichissant de se confronter à des personnes différentes de nous. Il y a une belle leçon d’ouverture au monde dans Sapin$ », ajoute Diane Rouxel. Son partenaire de jeu abonde dans le même sens, en précisant que les protagonistes apprennent grâce aux rencontres inusitées, mais aussi l’un grâce à l’autre. « Nos deux personnages, à des niveaux différents, lâchent prise et apprennent à être moins rigides en regardant l’autre exister dans l’adversité. »

Plus qu’une comédie

Si Stéphane Moukarzel a décidé de s’accompagner de Germain Larochelle – qu’il a rencontré à l’INIS – pour l’écriture du scénario, c’est qu’il aimait bien son côté « pop, mais trash ». « Quand je lui ai proposé, il était emballé et il comprenait vraiment ce que je voulais faire. Le mélange de nos deux plumes a créé un ton très particulier », raconte le réalisateur.

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Scène du film Sapin$

Un ton qui a beaucoup plu à Étienne Galloy. Ce dernier apprécie l’ambiguïté du genre cinématographique et brille dans les comédies catastrophiques.

J’aime ça quand on ne sait pas s’il faut rire ou être ému. Au Québec, on considère surtout qu’une bonne performance, c’est de faire pleurer. J’aime ça déconstruire cette croyance avec des films qui touchent un peu à tout.

Étienne Galloy

Le comédien considère Sapin$ comme un tour de force : un film d’auteur qui sait divertir, mais qui est aussi ultramoderne et met en scène de multiples réalités et cultures. Une proposition pas si habituelle au cinéma québécois.

« Ça a marqué ma vie, le foisonnement des cultures et la mixité, dit Stéphane Moukarzel. Pour moi, c’était essentiel de représenter ça dans mon film, surtout considérant que ça se déroule à New York, qui comme presque toutes les grandes villes, est très hétéroclite. » Et ce film est bien à l’image d’une métropole : de ses influences disparates émerge un chaos inexplicablement fluide.

En salle le 22 décembre