(Cannes) Chaque jour, La Presse présente des films vus sur la Croisette.

Vers un avenir radieux, de Nanni Moretti : Moretti, inspiré quand il parle de lui-même

Au bout d’un moment, le personnage de cinéaste qu’incarne Nanni Moretti dans Vers un avenir radieux conclut qu’il en est arrivé à la fin de tout. Fin de son couple, fin du cinéma, fin de la gauche, bref, tout semble lui glisser sous les pieds en même temps. N’allez pourtant pas croire que le 14e long métrage de ce cinéaste déjà lauréat de la Palme d’or (La chambre du fils en 2001) soit lourd pour autant. Bien au contraire. À vrai dire, on a un peu l’impression qu’après le décevant Tre piani, également en compétition à Cannes en 2021, Nanni Moretti effectue une espèce de retour aux sources en faisant ce qu’il fait de mieux : parler de lui-même. À 69 ans, le cinéaste italien est toujours aussi passionné de cinéma, bien qu’il commence à se sentir vieillissant et que la compréhension d’un monde en perpétuel changement ne soit pas toujours évidente à ses yeux. Dans cette nouvelle comédie dramatique, Moretti se glisse dans la peau d’un cinéaste prénommé Giovanni (le vrai prénom de Nanni Moretti), qui estime pouvoir raconter l’histoire du parti communiste italien, que plus personne ne connaît, à travers un grand film politique sur la répression hongroise par les Soviétiques en 1956. Évidemment, rien ne fonctionne (Mathieu Amalric joue un producteur français au bord de la faillite), pas plus que la vie personnelle du cinéaste, alors que son amoureuse (Margherita Buy), qu’il aime depuis 40 ans, songe à le quitter. Ponctué de vieilles chansons populaires, piquant Netflix au passage au cours d’une rencontre où le seul argument du diffuseur en ligne est d’être présent dans 190 pays, Vers un avenir radieux emprunte un peu la forme d’un film-somme célébrant une carrière maintenant riche de cinq décennies. Ça vaut bien un défilé à la fin !

Les filles d’Olfa, de Kaouther Ben Hania : un récit poignant

PHOTO FOURNIE PAR JOUR2FÊTE

Une scène tirée de Les filles d’Olfa. Le film de Kaouther Ben Hania est sélectionné à Cannes en compétition officielle.

Les filles d’Olfa est le sixième long métrage de Kaouther Ben Hania, une cinéaste tunisienne dont la renommée internationale s’est accrue il y a deux ans, quand L’homme qui a vendu sa peau fut retenu aux Oscars parmi les cinq finalistes dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère. Participant à la course à la Palme d’or pour la première fois, la réalisatrice propose une docufiction tirée d’une histoire réelle, dans laquelle des actrices sont invitées à jouer des pans d’une histoire survenue au début des années 2010, que racontent les vraies personnes l’ayant vécue. Ainsi, Olfa décrit la vie de sa famille avec ses quatre filles pendant qu’une actrice l’incarne dans les reconstitutions. Il en est de même pour les deux plus jeunes enfants de la fratrie, maintenant adolescentes. Deux comédiennes jouent les deux aînées en permanence, ces dernières s’étant radicalisées et ayant rejoint les rangs du groupe État islamique. L’exercice est d’évidence fascinant, mais ce procédé ne se révèle pas toujours opportun, dans la mesure où le spectateur est toujours ramené aux artifices du cinéma, ce qui crée une sorte de distance. Cela dit, Les filles d’Olfa est ponctué de moments poignants et pourrait très bien se retrouver au palmarès.