Air, de Ben Affleck, raconte comment la persévérance d’un homme, Sonny Vaccaro (Matt Damon), et le sens des affaires d’une mère, Deloris Jordan (Viola Davis), ont permis à Nike et à Michael Jordan de réaliser l’association la plus lucrative de l’histoire des équipements de sport. La Presse a assisté à une rencontre virtuelle avec les principaux artisans du film. Compte rendu.

Derrière Adidas et Converse

Au milieu des années 1980, Adidas domine largement l’industrie des espadrilles. Tous les jeunes veulent en porter et la chanson My Adidas, de Run-DMC, ne fait qu’accentuer leur popularité. Converse parvient à se démarquer grâce à sa branche basketball qui compte dans son écurie les nouvelles vedettes Magic Johnson et Larry Bird. De son côté, Nike vend des millions de souliers de course, mais très peu de baskets. Sonny Vaccaro, une sommité dans le monde du basketball amateur, est embauché pour dénicher la perle rare, faute de quoi Nike mettra fin à cette gamme. Le PDG de l’entreprise, Phil Knight (Ben Affleck), fonde beaucoup d’espoir en Sonny, mais lui donne peu de moyens pour réussir à sauver les meubles.

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Matt Damon incarne Sonny Vaccaro.

Tous ceux qui étaient chez Nike à cette époque avec qui j’ai discuté m’ont parlé de cette période avec tant de nostalgie. C’est difficile à croire aujourd’hui, mais ils étaient des laissés-pour-compte avant de conclure ce marché. C’est l’état d’esprit que nous avons tenté d’insuffler à nos personnages.

Matt Damon, qui incarne Sonny Vaccaro, en conférence de presse virtuelle

Une seule cible : Jordan

Chaque été, à la suite du repêchage annuel de la NBA, les équipementiers cherchent à convaincre les joueurs les plus prometteurs de s’entendre avec eux afin qu’ils portent leurs vêtements et leurs souliers. En 1984, conscients de leurs moyens limités, les dirigeants de Nike tentent de cibler trois ou quatre jeunes qui pourraient surprendre. Sonny Vaccaro croit plutôt qu’il faut tout miser sur Michael Jordan, choisi au troisième rang par les Bulls de Chicago. Depuis que ce dernier a réussi le tir victorieux lors de la finale du tournoi universitaire de la NCAA de 1982, il est vu comme une future étoile. Toutefois, les joueurs plus grands étaient encore sélectionnés d’abord à l’époque – les deux avant Jordan mesurent plus de 2,13 m par rapport à son 1,98 m.

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Ben Affleck dans la peau du cofondateur de Nike, Phil Knight

En discutant avec Michael Jordan de mon projet de film, il m’a dit que c’est sa mère qui l’a convaincu de rencontrer les gens de Nike. La façon dont il parlait d’elle, avec tant d’amour et de respect, m’a frappé. J’ai réalisé que c’est l’histoire que nous devions raconter. […] Plus tard, quand je lui ai confirmé que sa mère serait l’un des protagonistes, j’ai fait l’erreur de lui demander qui devrait jouer son rôle. Il m’a répondu : “Ça doit être Viola Davis”. Évidemment, Michael Jordan veut les meilleurs. Je devais donc la convaincre, sinon, je ne pouvais pas faire le film.

Ben Affleck, réalisateur, qui incarne aussi Phil Knight

Convaincre Nike et les parents

La presque totalité d’Air porte sur la mission que s’est donnée Sonny Vaccaro : convaincre ses supérieurs que Jordan vaut tout leur budget annuel et même plus, puis persuader les parents et l’agent de celui-ci que l’offre de Nike est la meilleure. David Falk (Chris Messina) a représenté les intérêts de Jordan toute sa carrière. Avant de conclure l’entente historique entre son client et Nike, il avait déjà négocié des partenariats qui misaient davantage sur la façon dont les équipementiers pouvaient faire la promotion des athlètes et non uniquement combien d’argent ils pouvaient leur offrir. Au départ, Falk et les Jordan ne comptaient même pas rencontrer les dirigeants de Nike.

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Michael Jordan a demandé que Viola Davis joue le rôle de sa mère, Deloris.

C’est agréable de se sentir désirée, mais ensuite, je devais bien incarner le rôle. Quand on regarde des vidéos, Deloris Jordan est toujours zen. C’est une femme stable et calme. C’était un défi pour moi, car je suis de nature grandiloquente. […] Ç'a été une joie de travailler avec Matt, Ben et mon mari Julius [Tennon, qui joue James Jordan, le père de Michael].

Viola Davis, qui incarne Deloris Jordan

Plus de rouge

En plus de Vaccaro et Knight, l’équipe de la marque établie à Beaverton, en Oregon, était composée de Rob Strasser (Jason Bateman), Howard White (Chris Tucker) et Peter Moore (Matthew Maher). Ce dernier est derrière la création des mythiques Air Jordan I, qui sont possiblement plus populaires que jamais. La silhouette et la technologie étaient non seulement révolutionnaires pour le temps, mais les couleurs aussi. À cette époque, la NBA exigeait que les souliers des joueurs soient majoritairement blancs. Strasser, Vaccaro et Moore ont convenu que davantage de rouge permettrait à leur nouveau modèle de se démarquer. Ils étaient même prêts à payer l’amende de 5000 $ US par match, qu’ils ont ensuite utilisée comme outil de marketing. Les souliers « bannis » par la ligue étaient en fait des Air Ship, que Jordan portait en début de carrière. Cela n’a pas empêché Nike de vendre pour 130 millions de dollars américains d’Air Jordan en 1985, alors que leur estimation initiale était de 3 millions dans les trois ou quatre premières années.

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Peter Moore (Matthew Maher), Sonny Vaccaro (Matt Damon) et Rob Strasser (Jason Bateman)

On peut résumer le film en une phrase : c’est l’histoire de comment Nike a convaincu Michael Jordan. Mais ce sont les personnages qui font la différence. Avec Sonny et Deloris, nous avons un élément humain, pas simplement une histoire à propos d’un soulier. C’est un gros petit film, selon moi. L’aspect petit est cette famille qui cherche les bonnes espadrilles, et ça se déroule sur environ une semaine. Mais, la raison pourquoi c’est majeur, c’est qu’il s’agit de Nike et de Michael Jordan.

Alex Convery, scénariste

Air prend l’affiche le 5 avril.